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madamez

27 mars 2007

textes prévert

Liste des poèmes « pour faire le portrait de Prévert »(Spectacle du 20 mars)

Pour faire le portrait d’un oiseau

Peindre d’abord une cage
Avec une porte ouverte
Peindre ensuite
Quelque chose de joli
Quelque chose de simple
Quelque chose de beau
Quelque chose d’utile
Pour l’oiseau
Placer ensuite la toile contre un arbre
Dans un jardin
Dans un bois
Ou dans une forêt
Se cacher derrière l’arbre
Sans rien dire
Sans bouger…

Parfois l’oiseau arrive vite
Mais il pourrait aussi mettre de longues années
Avant de se décider
Ne pas se décourager
Attendre
Attendre s’il le faut pendant des années
La vitesse ou la lenteur de l’arrivée de l’oiseau
N’ayant aucun rapport
Avec la réussite du tableau

Quand l’oiseau arrive
S’il arrive
Observer le plus profond silence
Attendre que l’oiseau entre dans la cage
Et quand il est entré
Fermer doucement la porte avec un pinceau
Puis effacer un à un tous les barreaux
En ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau


Faire ensuite le portrait de l’arbre
En choisissant la plus belle de ses branches
Pour l’oiseau
Peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
La poussière du soleil
Et les bruits des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été
Et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter
Si l’oiseau ne chante pas
C’est mauvais signe
Signe que le tableau est mauvais
Mais s’il chante c’est bon signe
Signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez tout doucement
Une des plumes de l’oiseau Et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau

Familiale

La mère fait du tricot
Le fils fait la guerre
Elle trouve ça tout naturel la mère
Et le père qu’est-ce qu’il fait le père ?
Il fait des affaires
La femme fait du tricot
Son fils la guerre
Lui des affaires
Il trouve ça tout naturel le père
Et le fils et le fils
Qu’est-ce qu’il trouve le fils ?
Il ne trouve rien absolument rien le fils
Le fils de sa mère fait du tricot son père des affaires lui la guerre
Quand il aura fini la guerre
Il fera des affaires avec son père
La guerre continue la mère continue elle tricote
Le père continue il fait des affaires
Le fils est tué il ne continue plus
Le père et la mère vont au cimetière
Ils trouvent ça naturel le père et la mère
La vie continue la vie avec le tricot la guerre les affaires
Les affaires la guerre le tricot la guerre
Les affaires les affaires les affaires
La vie avec le cimetière

Chanson pour les enfants l’hiver

Dans la nuit de l’hiver

galope un grand homme blanc

galope un grand homme blanc

C’est un bonhomme de neige

avec une pipe en bois

un grand bonhomme de neige

poursuivi par le froid

Il arrive au village

il arrive au village

voyant de la lumière

le voilà… rassuré‚   

Il arrive au village

il arrive au village

Dans une petite maison

il entre sans frapper

Dans une petite maison

il entre sans frapper

et pour se réchauffer

et pour se réchauffer

s’assoit sur le poêle rouge

et d’un coup disparaît

ne laissant que sa pipe

au milieu d’une flaque d’eau

ne laissant que sa pipe

et puis son vieux chapeau...

la grasse matinée

Il est terrible
le petit bruit de l'oeuf dur cassé sur un comptoir d'étain
il est terrible ce bruit
quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim
elle est terrible aussi la tête de l'homme
la tête de l'homme qui a faim
quand il se regarde à six heures du matin
dans la glace du grand magasin
une tête couleur de poussière
ce n'est pas sa tête pourtant qu'il regarde
dans la vitrine de chez Potin
il s'en fout de sa tête l'homme
il n'y pense pas
il songe
il imagine une autre tête
une tête de veau par exemple
avec une sauce de vinaigre
ou une tête de n'importe quoi qui se mange
et il remue doucement la mâchoire
doucement
et il grince des dents doucement
car le monde se paye sa tête
et il ne peut rien contre ce monde
et il compte sur ses doigts un deux trois
un deux trois
cela fait trois jours qu'il n'a pas mangé
et il a beau se répéter depuis trois jours
Ça ne peut pas durer
ça dure
trois jours
trois nuits
sans manger
et derrière ce vitres
ces pâtés ces bouteilles ces conserves
poissons morts protégés par les boîtes
boîtes protégées par les vitres
vitres protégées par les flics
flics protégés par la crainte
que de barricades pour six malheureuses sardines..
Un peu plus loin le bistrot
café-crème et croissants chauds
l'homme titube
et dans l'intérieur de sa tête
un brouillard de mots
un brouillard de mots
sardines à manger
oeuf dur café-crème
café arrosé rhum
café-crème
café-crème
café-crime arrosé sang !...
Un homme très estimé dans son quartier
a été égorgé en plein jour
l'assassin le vagabond lui a volé
deux francs
soit un café arrosé
zéro franc soixante-dix
deux tartines beurrées
et vingt-cinq centimes pour le pourboire du garçon.

CHARADE
LE ROI 
Fais-moi rire, bouffon. 
LE BOUFFON 
Sire, votre premier ministre est un imbécile, votre second ministre un idiot, votre troisième ministre un crétin, votre quatrième ministre… 
LE ROI 
( saisi de grande hilarité) 
Arrête, bouffon, et dis-moi la solution. 
LE BOUFFON 
La solution, Sire: vous êtes le roi des cons.

LE CANCRE

Il dit non avec la tête
mais il dit oui avec le coeur
il dit oui à ce qu'il aime
il dit non au professeur
il est debout
on le questionne
et tous les problèmes sont posés
soudain le fou rire le prend
et il efface tout
les chiffres et les mots
les dates et les noms
les phrases et les pièges
et malgré les menaces du maître
sous les huées des enfants prodiges
avec des craies de toutes les couleurs
sur le tableau noir du malheur
il dessine le visage du bonheur

Les animaux ont des ennuis

Le pauvre crocodile n’a pas de C cédille

On a volé les ailes de la pauvre grenouille

Le poisson scie a des soucis

Le poisson sol ça le désole

Mais tous les oiseaux ont des ailes

Même le vieil oiseau bleu

Même la grenouille verte

Elle a deux L avant l’E

Laissez les oiseaux à leur mère

Laissez les ruisseaux dans leur lit

Laissez les étoiles de mer

Sortir si ça leur plait la nuit

Laissez les p’tits enfants briser leur tirelire

Laissez passer le café si ça lui fait plaisir

La vieille armoire normande

Et la vache bretonne

Sont parties dans la lande

En riant comme deux folles

Les petits veaux abandonnés

Pleurent comme des veaux abandonnés

Car les petits veaux n’ont pas d’ailes

Comme le vieil oiseau bleu

Ils ne possèdent à eux deux

Que quelques pattes et deux queues

Laissez les oiseaux à leur mère

Laissez les ruisseaux dans leur lit

Laissez les étoiles de mer

Sortir si ça leur plait la nuit

Laissez les éléphants ne pas apprendre à lire

Laissez les hirondelles aller et revenir

DÉJEUNER DU MATIN

Il a mis le café
Dans la tasse
Il a mis le lait
Dans la tasse de café
Il a mis le sucre
Dans le café au lait
Et il a reposé la tasse
Sans me parler
Il a allumé
Une cigarette
Il a fait des ronds
Avec la fumée
Il a mis les cendres
Dans le cendrier
Sans me parler
Sans me regarder
Il s'est levé
Il a mis
Son chapeau sur sa tête
Il a mis
Son manteau de pluie
Parce qu'il pleuvait
Et il est parti
Sous la pluie
Sans une parole
Sans me regarder
Et moi j'ai pris
Ma tête dans ma main
Et j'ai pleuré.

. UN BEAU MATIN

Il n'avait peur de personne
Il n'avait peur de rien
Mais un matin un beau matin
Il croit voir quelque chose
Mais il dit Ce n'est rien
Et il avait raison
Avec sa raison sans nul doute
Ce n' était rien
Mais le matin ce même matin
Il croit entendre quelqu'un
Et il ouvrit la porte
Et il la referma en disant Personne
Et il avait raison
Avec sa raison sans nul doute
Il n'y avait personne
Mais soudain il eut peur
Et il comprit qu'Il était seul
Mais qu'Il n'était pas tout seul
Et c'est alors qu'il vit
Rien en personne devant lui

Barbara

Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t'ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N'oublie pas

Un homme sous un porche s'abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t'es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m'en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j'aime
Même si je ne les ai vus qu'une seule fois
e dis tu à tous ceux qui s'aiment
Même si je ne les connais pas

Rappelle-toi Barbara
N'oublie pas
Cette pluie sur la mer
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l'arsenal
Sur le bateau d'Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu'es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d'acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara

Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n'est plus pareil et tout est abîmé
C'est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n'est même plus l'orage
De fer d'acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l'eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien

Les belles familles

Louis I
Louis II
Louis III
Louis IV
Louis V
Louis VI
Louis VII
Louis VIII
Louis IX
Louis X (dit le Hutin)
Louis XI
Louis XII
Louis XIII
Louis XIV
Louis XV
Louis XVI
Louis XVII
Louis XVIII
et plus personne plus rien...
qu'est-ce que c'est que ces gens-là
qui ne sont pas foutus
de compter jusqu'à vingt ?

Chanson des escargots qui vont à l’enterrement

A l'enterrement d'une feuille morte
Deux escargots  s'en vont
Ils ont la coquille noire
Du crêpe autour des cornes
Ils s'en vont dans le soir
Un très beau soir d'automne
Hélas quand ils arrivent
C'est déjà le printemps
Les feuilles qui étaient mortes
Sont toutes réssucitées
Et les deux escargots
Sont très désappointés
Mais voila le soleil
Le soleil qui leur dit
Prenez prenez la peine
La peine de vous asseoir
Prenez un verre de bière
Si le coeur vous en dit
Prenez si ça vous plaît
L'autocar pour Paris
Il partira ce soir
Vous verrez du pays
Mais ne prenez pas le deuil
C'est moi qui vous le dit
Ça noircit le blanc de l'oeil
Et puis ça enlaidit
Les histoires de cercueils
C'est triste et pas joli
Reprenez vous couleurs
Les couleurs de la vie
Alors toutes les bêtes
Les arbres et les plantes
Se mettent a chanter
A chanter a tue-tête
La vrai chanson vivante
La chanson de l'été
Et tout le monde de boire
Tout le monde de trinquer
C'est un très joli soir
Un joli soir d'été
Et les deux escargots
S'en retournent chez eux
Ils s'en vont très émus
Ils s'en vont très heureux
Comme ils ont beaucoup bu
Ils titubent un petit peu
Mais la haut dans le ciel
La lune veille sur eux.

Soyez Polis

Couronné d'étincelles

Un marchand de pierre à briquet

Elève la voix le soir

Dans les couloirs de la station Javel

Et ses grands écart de langage

Déplaisent à la plupart des gens

Mais la brûlure de son regard

Les rappelle à de bons sentiments

Soyez polis

Crie l'homme

Soyez polis avec les aliments

Soyez polis

Avec les éléments avec les éléphants

Soyez polis avec les femmes

Et avec les enfants

Soyez polis

Avec les gars du bâtiment

Soyez polis

Avec le monde vivant

. II

Il faut aussi être très poli avec la terre

Il faut les remercier le matin en se réveillant

Il faut les remercier pour la chaleur

Pour les arbres

Pour les fruits

Pour tout ce qui est bon à manger

Pour tout ce qui est beau à regarder

A toucher

Il faut les remercier

Il ne faut pas les embêter...

Les critiquer

Ils savent ce qu'ils ont à faire

Le soleil et la terre

Alors il faut les laisser faire

Ou bien ils sont capables de se fâcher

Et puis après

On est changé

En courge

En melon d'eau

Ou en pierre à briquet

Et on est bien avancé...

Le soleil est amoureux de la terre

Ça les regarde

C'est leur affaire

Et quand il y a des éclipses

Il n'est pas prudent ni discret de les regarder

Au travers de sales petits morceaux de verre fumé

Ils se disputent

C'est des histoires personnelles

Mieux vaut ne pas s'en mêler

Parce que

Si on s'en mêle on risque d'être changé

En pomme de terre gelée

Ou en fer à friser

Le Soleil aime la terre

La terre aime le soleil

Et elle tourne

Pour se faire admirer

Et le soleil la trouve belle

Et il brille sur elle

Et quand il est fatigué

Il va se coucher

Et la lune se lève

La lune c'est l'ancienne amoureuse du soleil

Mais elle a été jalouse

Et elle a été punie

Elle est devenue toute froide

Et elle sort seulement la nuit

Il faut aussi être très poli avec la lune

Ou sans ça elle peut vous rendre un peu fou

Et elle peut aussi

Si elle veut

Vous changer en bonhomme de neige

En réverbère

Ou en bougie

En somme pour résumer

Deux points ouvrez les guillemets

" Il faut que tout le monde soit poli avec le monde ou alors:

il y a des guerres ... des épidémies des tremblements de terre

des paquets de mer des coups de fusil ...

Et de grosses méchantes fourmis rouges qui viennent vous

   dévorer les pieds pendant qu'on dort la nuit. "

Texte narratif  du spectacle

extrait du texte « Enfance » dont vous pouvez trouver l’intégralité dans le recueil

« Choses et autres »

1906 Neuilly sur Seine….

.Souvent au bois ,un cerf traversait une allée .Un peu partout les gens mangeaient, buvaient, prenaient le café. Un ivrogne passait et hurlait : »dépêchez vous !mangez sur l’herbe, un jour ou l’autre, l’herbe mangera sur vous ! »…..

il y avait des gens qui faisaient la musique, qui chantaient , qui faisaient la fête, qui faisaient la gaité, et ceux qui, à voix basse, s’engueulaient autour de guéridon, étaient tout de même sous le charme et leurs injures ,leurs pauvres menaces, on aurait dit qu’il les chantaient……

Et puis Printania, un grand café concert en  plein air …et quand la nuit était belle le toit du théatre  s ‘en allait , les étoiles aussi pouvaient contempler le spectacle…des chanteurs. Il y en avait un qui était drôle comme tout .Et pourtant il était tout en noir triste, et avec une tête à pleurer tout le temps….

Il chantait : »J’ai la neurasthénie, c’est rigolo ,oh, oh »et tout le monde se tordait de rire ,même mon père .Pourtant il en avait lui,  de la neurasthénie.

« c’est à la mode, disait il mais je m »en passerais bien : la tristesse qui s’installe dans votre tête et qui va et vient ,là, comme chez elle »….

On allait aussi dans un petit chemin de fer au jardin d’Acclimatation…

Les plantes étaient grandes comme des arbres….Dans les serres, c’était toujours le silence ,même quand il y avait du monde.

Devant les bêtes ,les gens parlaient très fort…surtout devant les singes .Mais devant les plantes, ils se taisaient, comme dans les églises, et c’est à voix basse qu’ils lisaient les noms écrits en latin, sur de petites pancartes .Tout était vert , même la chaleur, et les gens n’étaient pas habitués…

Ce fut ma mère qui m’apprit à lire, puisqu’il fallait bien y passer. Avec un alphabet, bien sûr, mais surtout avec l’Oiseau Bleu, avec la Belle et la Bête…avec les Musiciens de la Ville de Brême

Comme toutes les plus belles filles du monde , ma mère avait aussi les plus beaux yeux et d’un bleu tellement bleuet tellement souriant .Des fois elle rougissait ou plutôt devenait toute rose et elle était comme les reines qu’on peint sur les tableaux …Mais elle était bien plus vivante qu’une actrice, tout ce qu’elle faisait était vrai…C’était une étoile de la vie…

Mon père et ma mère ne riaient pas autant ensemble mais ça se voyait qu’ils s’aimaient beaucoup…

Mon père ,lui, commentait les choses ,en tirait la « moralité » et comme je l’amusais ,le fâchais, le décevais et l’intriguais tout à la fois ,il m’expliquait, il me disait comment j’étais dans le fond .Ma mère ,jamais :elle me savait…

(Mon Père)Il travaillait à la « Providence »,une grande Compagnie d’assurance de Paris ,rue de Gramont, près de l’Opéra-Comique .Mais les accidents, les incendies, ça ne l’intéressait que médiocrement.

« Je fais en attendant »…mais il ne donnait aucune précision sur ce qu’il attendait

C’est le docteur  Tollmer qui nous soigne…

« C’est tout simple , le santé ..mais il faut la garder ,.sortir les enfants par n ‘importe quel temps et la teinture d’iode s’ils sont enrhumés :10 gouttes dans du lait ….Et puis bien entendu, l’huile de foie de morue… »

Ca il aurait mieux fait de se taire , le bon docteur Tollmer, mais on ne lui en veut pas puisqu’il soigne très bien papa qui « jouit d’une très délirante santé » :l’enthérite, les courbatures, la dépression nerveuse, la mélancolie.

« Freinez un peu le vélo ….et les appéritifs aussi ;un jour ou l’autre ,il faudra bien vous y décider. »…

…mon père hausse les épaules :  « Il est bien gentil avec sa mélancolie, sa neurasthénie .J’ai tout simplement le mal du pays, le mal de la Provence ! »

Peu de temps après il (mon père)demande un congé à la Providence…et prend le train pour le Pont du Gard où habite un de ses amis

Nous recevons des cartes postales du Pont du Gard…et quand il revient ,nous sommes très heureux de le revoir, d’autant plus qu’il nous dit très émus , combien nous lui avons manqué….

Et l’on partait ,nous aussi, en vacances .pas en Provence ,mais en Bretagne.

Les vacances, c’était pour mon frère ne plus aller à l’école ,pour mon frère ne plus aller à l’école, pour mon père échapper à la Providence, pour ma mère ,se reposer si elle le pouvait, pour moi c’était la mer…La mer , je courais après elle ,elle courait après moi ,tous les deux on faisait ce qu’on voulait .C’était comme dans les contes de fées :elle changeait les gens .A peine arrivés ,ils n’avaient plus la même couleur , ni la même façon de parler…on aurait des autres

Elle changeait aussi les choses et elle les expliquait .Avec elle, je savais l’horizon, le flux , le reflux ,le crépuscule, l’aube, le vent qui se lève ,le temps qui va trop vite et qui n ‘en finit plus… et un tas de choses qui me plaisaient et que, loin d’elle ,très vite, j’oubliais

Les vacances finies ,on rentrait et une fois mon père nous montra , par la portière, le petit village d’Ancenis.

« Regarde bien Ancenis ,et si tu ne l’as pas vu ,tu n’as rien perdu .Dans son petit séminaire, j’ai fait mes études, c’est l’endroit où j’ai le plus souffert de ma vie .Ils étaient odieux et cruels avec les enfants qui les aimaient pas .Maintenant , quand tu m’entendras crier me cauchemars, tu sauras ce qu’il y a dedans .Ta mère d’ailleurs, le sait depuis longtemps …car elle aussi.. »

« Oh moi ce n’est pas pareil. .je n ‘oublie pas , bien sûr, mais ça ne ma donne pas de mauvais rêves. »….

…..elle sort le chat Sigurd du panier, le prend dans ses bras .. ;comme un enfant

« si tu m’aimes ,Sigurd, remue l’oreille une fois. »

Et Sigurd remue l’oreille.

« Et Jacques.. ;si tu l’aimes, remues deux fois. »

Sigurd remue deux fois

« Et André ?Situ l’aimes ,remue l’oreille trois fois. »

et Sigurd ne remue pas l’oreille du tout.

Mon père hausse les épaules ,vexé ….

.. ; « n’est ce pas que tu l’aimes bien André et même que tu l’aimes beaucoup ? »

Et Sigurd remue les deux oreilles à toute vitesse comme un petit âne incommodé par les mouches .

J’ai mis longtemps à comprendre le truc et pourtant c’était d’une simplicité enfantine, un souffle ,un rien .Ma mère ,imperceptiblement ,soufflait sur l’oreille du chat en temps utile.

« Ta mère, c’est une fée »disait papa

C’est pour cela que j’avais peur, quand elle me lisait des contes, qu’elle disparaisse dans l’histoire comme les fées .. ;

…l’automne s ‘attardait un peu pour prolonger ses adieux, et c’était l’hiver avec ses histoires déchirantes de ramoneurs perdus dans la neige comme les pauvres à Paris dans les rues.

Ma mère attendait le printemps ;elle était soucieuse ….parce qu’elle attendait aussi un bébé en même temps .C’est pas grand ,un bébé, mais je me demandais comment il allait tenir la dedans …..Un jour,.. .ma mère se couche .Elle était pas bien , elle avait grossi un petit peu ,elle avait l’air fatiguée… ;tout autour du lit , les gens disaient :

« Qu’est ce que tu préfères ….qu’est ce que vous préférez ,une fille ou un garçon.. ,une fille ,ça vous changerait ! »

« pourquoi choisir d’avance » disait maman « je préférerai celui ou celle que j’aurai »

Moi , j’étais inquiet ,les nouveaux-nés me faisaient plutôt peur .Ceux que j’avais vus n’avaient pas l’air heureux, on aurait dit des petits vieux… Ceux que j’avais vus n’avaient pas l’air heureux, on aurait dit des petits vieux…. ;ils commençaient des, gestes, mais ne les finissaient pas, comme des jouets mécaniques dont on a perdu la  clé….

Un beau jour ,on dit toujours un beau jour ,mais celui là n’était pas plus beau que les autres , au contraire ,ma mère parut tout à coup plus malade qu’on me l’avait dit et mon père beaucoup plus nerveux que d’habitude .Il se disputait avec grand-mère Sophie qui nous racontait des histoires de choux, de cigognes…..Une grosse bonne femme traversait tout le temps l’appartement avec des seaux remplis de coton taché de sang.

C’était comme à l’hôpital , le jour des amygdales.

Et mos frère arriva…

…Pierre ,c’était le nom de mon petit frère, je trouvais que pour un nouveau-né ,il avait l’air plutôt jeune lui aussi…,et , que sans doute pour faire plaisir à ma mère, je déclarai que je l’aimerai beaucoup.

Plus tard , ce que j’avais dit devint vrai, mais je mis beaucoup de temps avant de m’en apercevoir.

Peu d temps après la naissance de mon frère, nous déménageons .c’est la première fois, ça m’amuse beaucoup lais mon père et ma  mère, pas du tout .Nous avons beaucoup d’ennuis , paraît il , et naturellement, comme toujours, des ennuis d’argent .Mais cette fois, il paraît que « ça dépasse les limites ».

« Plein la malle jusqu’au cadenas »dit papa.

Il a perdu sa situation .Il ne tenait pas tellement à elle et elle , sans doute ,pas davantage à lui…

…Nous habitons maintenant rue Jacques Dulud ,un petit rez de chaussée assez sombre…

…nous ne vivons plus pareil. Au café de l’Hotel-de-Ville, mon père y va de moins en moins souvent et quand il y va, boit beaucoup plus modestement…

…A la maison, on mange froid presque tous les jours .A moi ça me plait , j’aime beaucoup la charcuterie, les sardines à l’huile, le roquefort….

Et ma mère allait faire les courses tout comme mon pères allait au bar, à crédit….

…Mais ils avaient dire, beau chanter et rire, je savais qu’à la maison, il y avait quelque chose d’ abimé Heureusement que ma mère  m’a déjà appris à lire .Aujourd’hui , avec le bébé , elle n’aurait pas le temps.

Alors je lis et même , quand ça fait peur ou que ce n’est pas gai, ça m’empêche de penser à ce qui est triste pour de vrai.. Et puis , j’aime lire. J’en ai pris très vite l’habitude…

…Je n’aime pas « Les lettre  de mon moulin », je n’aime pas « le sous-prefet aux champs « qui faisait des vers en mâchonnant des violettes….

…Je préfère les autres , tous les autres, tous les livres des autres ….

…le soir, je lis très tard avec la veilleuse allumée…

Ainsi les nuits passaient très vite, sauf quand mon père , qui avait ses « cauchemars » me réveillait :

« Ne m’arrachez pas mes chaussettes, j’ai des engelures, ça m’écorche les pieds…Non ,je ne veux pas qu’on m’enferme dans un cabinet noir » Je ma levais , le secouais un peu, il se réveillait, m’embrasait, ou alors c’était lui qui sautait du lit et venait me raconter ses mauvais rêves pour s’en débarrasser…

Un beau jour….D’un coup de baguette magique, de magie noire disait papa, un sorcier à tête d’huissier était venu et tout avait disparu, sauf les lits, une table, la plus petite, quatre chaises, le berceau de Pierrot, ma ferme, mon cirque, mon cochon en carton et Sigurd.

Comme c’est grand maintenant chez nous, Sigurd  a toute la place pour sauter, courir, on se croirait au concours hippique et sur la petite table , on mange, mon frère fait ses devoirs et mon père écrit mais, heureusement , pas tout cela en même temps.

Ce que mon père écrit et sans arrêt, c’est seulement des enveloppes …. C’est toujours « en attendant »…

Un soir, rentrant fort tard, il annonce à maman que c’est chose faite et qu’il a trouvé… enfin  qu’on lui a fait une excellente proposition :

« Une porte ouverte , c’est un peu loin évidemment mais en plein soleil ! »…

A la gare de Lyon, un soir, nous prenons le train pour Toulon…..

Toulon…Je suis couché, il y a un docteur dans la chambre, ce n’est pas le docteur Tollmer, c’est un docteur avec une voix qui chante.

« Il va mieux , encore un peu de délire, je ne crois pas à une fièvre cérébrale, une insolation, un malaise passager. »

Mon père et ma mère parlent aussi et très loin, et dans ma tête une grosse pierre tourne, s’avance ,recule, s’en va et puis des chiffres arrivent, des chiffres qui se comptent tout seuls sans jamais s’arrêter.

Et puis tout ça s’en va . J’ai faim, j’ai soif et je me lève, je vais à la fenêtre…

C’est beau.Une grande place avec des platanes et puis des diligences comme en Amérique et leurs chevaux qui rêvent au soleil, un soleil très doux qui se promène doucement dans le vert des branches.

C’est la place Armand Vallée où nous habitons, au dessus du bistrot d’un hôtel, une chambre avec trois lits ,un papier peint tout déchiré et des petits cancrelats qui trottent sur une carpette usée. J’entre en convalescence, pas une grande, ça dure à peine deux jours.

Et l’hiver venait .Au bureau de l’hôtel, en buvant un verre qu’il faisait marquer, mon père demandait s’il n’y avait pas une lettre pour lui.

« Pas de courrier » répondait l’hôtelier.

« C’est gai », disait mon père…

Une fois , il reçut un télégramme , le regarda longtemps, but un verre, puis un autre, déchira le télégramme et le jeta au vent, sans le lire.

« mon petit, les télégrammes , c’est toujours des mauvaises nouvelles. »

…. L’hiver avait beau s’annoncer radieusement, l’hôtelier devenait de moins en moins aimable et ma mère semblait quelquefois gagnée par la tristesse de mon père.

….Un soir ,mon père m’emmena sur le quai Cronstadt et , ce soir-là, le quai était désert et froid et mon père était si désemparé que le petit clapotis de la mer , on aurait dit qu’il fredonnait une chanson triste, un mauvais air.

« Mon petit, à force de tirer la corde , elle finit par casser , eu bout du fossé la culbute, et j’en passe .Je vous aimais trop ou pas assez. Moi parti, ON s’occupera de vous et ça leur servira de leçon. »

« T’es fou ,papa ? »

« Ton père c’est comme un chien abandonné , adieu mon petit. Je vais me fiche à l’eau. Surtout n’oublie pas de dire à ta mère que je l’ai beaucoup aimée. »…

« Allons papa, fais pas de bêtise. »

« Je n’ai pourtant rien bu ».. ;

« J’ai pas dit ça, allez, rentrons. »

Et j’emmène mon père par la main comme un père emmène son petit garçon.

A l’hôtel ,mon père s’arrête un instant au comptoir et je raconte à ma mère cette pauvre histoire…..

« N’aie pas peur, il m’a déjà à fait le coup à moi aussi….

Le lendemain, au un autre jour …,mon père reçoit une lettre recommandée.

« Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ? »

« Ni bonne ni mauvaise, une bouée de sauvetage de rien du tout !…mais ça vaut tout de même mieux qu’une pierre au cou …Demain, nous rentrons à Paris »

Paris , 1907.

Dès notre arrivée, nous allons dans un petit hôtel proche de la gare

« On ne pouvait aller plus loin » dit ma mère.

« Ni descendre plus bas » dit papa en nous quittant.

L’hôtel est sale et gris, mais le poêle est tout rouge et les gens qui se chauffent autour sont tous gentils  ma mère et aux petits soins pour elle , car avec Pierrot, elle ne peut rester dans la chambre qui n’est pas chauffée .Moi je vais me promener dans la gare et tout autour.

A paris ,il y a beaucoup plus de bruit qu’ à Toulon et tout va si vite, tout est si froid, qu’en courant je rentre à l’hôtel où un peu plus tard , mon père arrive à son tour et nous dit …sans le moindre enthousiasme…  qu’il a ….trouvé une situation

« Dans les assurances ? »

« Non , 175 Boulevard Saint Michel où ton grand père est , si tu l’a oublié, Président de l’Office Central des Pauvres de Paris. »

« Qu’est ce que tu feras comme travail ? »

« J’irai visiter les pauvres pour savoir s’ils méritent qu’on leur vienne en aide . »

Rue de Vaugirard , près de l’Odéon.

C’est tout en haut notre logement …l’eau et le reste c’est sur l’escalier ; là on rencontre tout le temps les voisins ,comme ça on sait qui c’est.

…nos fenêtres donnent sur le ciel, l’une d’elles sur la cour de l’école…

Non ,c’est pas terrible l’école….C’est comme les copains m’ont raconté :on est assis toute la journée, on n’a pas le droit de bouger ,on guette les heures et on les écoute sonner.

Tout à fait comme les problèmes qu’on me posera un peu plus tard à la leçon d’arithmétique :

« Un élève entre en classe à 8 h 30 , en sort à 11 h 30, revient à 1 heure et s’en va à 4 heures. Combien de minutes s’est il ennuyé ? »

On peut soustraire les chansons des rues, la pluie et la grêle …et même , bien souvent la bonne humeur du maître ça fait tout de même un bon petit bout de temps ,les mains sur la table ou les bras croisés .Alors , j’attendais, j’attendais  …4 heures

Le jeudi , j’accompagnais souvent papa qui « allait faire ses enquêtes »….on allait voir les pauvres…

On allait partout , on entrait partout  comme à la fête, mais une grande fête triste, sans  musique et qui n’en finissait jamais…mais c’était toujours les rues des  quartiers les plus pauvres qui avaient les plus jolis noms ;la rue de la Chine ,la rue du Chat-qui-Pêche , la rue aux ours, la rue du Soleil ,la rue du Bois Doré…C’était sûrement les pauvres qui les avaient trouvé s , ces noms, pour embellir les choses.

Des fois, je restais dehors et même un jour , dans la rue des Alouettes, un gros chien m’a mordu les fesses.Ca , avec le jour où un grand bélier à Ville d’Avray , m’a fichu dans un étang, ce n’était pas un souvenir heureux….Quand parfois j’accompagnais mon père, ce n’était très agréable non plus  et , à côté, nos deux pièces à Paris me semblaient un palais.

Ce n’était pas comme au cinéma du Panthéon ,où nous allions toutes les semaines tous ensemble, puisqu’on emmenait Pierrot :qui l’aurait gardé !……

Derrière l’écran, il y avait un homme qui faisait tous les bruits  avec un petit attirail qui n’avait l’air de rien :des grelots, des papiers de verre, un sifflet ,un révolver , des marteaux ;et c’était l’orage, le vent et la mer ou le chant des oiseaux ….Le dimanche , quand c’atait un film de Far-West, un acteur, habillé en cow-boy, racontait le film en balançant son lasso. Une fois, pendant « Le Massacre », un film terrible où les indiens tuaient tous les soldats réfugiés derrière leurs chariots, la musique ,le bruit, les coups de feu, ça faisait un tel vacarme que les spectateurs mécontents hurlaient qu’ils ne voyaient plus rien….

En face de l’école , il y avait un bouquiniste où on trouvait un tas de choses : »Rifle d’or », « Morgan le pirate », « Texas Jack » et surtout , « Sitting Bull » que j’aimais beaucoup parce qu’il était indien et que les Indiens, c’était eux qui étaient dans leur droit, comme les noirs dans « La case de l’oncle Tom »…

Comme je fouillais  à l’étalage ,un jour je vis arriver des Américains :une petite fille, un petit garçon, avec leurs parents. Ils n’étaient pas habillés comme dans les films du Far-West mais leur père , ….était coiffé d’un véritable chapeau cow-boy, un Stetson , la marque était dedans.

Ils restèrent fort peu de temps mais , tout de suite on était devenu de grands amis.

Aujourd’hui ,ils sont loin , les « Américains »…Mais je peux m’arrêter dans cette rue , ils sont toujours là dans l’aujourd’hui de ce temps là, et chantent , et rient, disent au revoir et bonjour, à demain, et toujours en américain ,, avec la même couleur , la même fraîcheur et la  et la même ardeur .Et les chaises qu’on traînait par terre , dans les allées du Luxembourg, les déserts de l’Arizona, je pourrais encore suivre leur trace comme on retrouve un air sur un vieux disque aux sillons effacés.

Un soir, la pluie commençait à tomber ;je venais de quitter mes amis et , assis sur le trottoir malgré cette pluie , j’avais envie de pleurer.

Elle n’y était pour rien la pluie, mais je n’étais pas content de ma journée , je trouvais que la petite fille c’était une petite fille pour jouer, pour rire, mais pas comme souvent je rêvais , une petite fille à aimer….

De temps à autre, cela m’arrivait déjà de réfléchir, de causer avec moi , quand j’étais tout seul et par la suite , en grandissant , cela devint de plus en plus fréquent et quelquefois c’était très drôle, mais rarement ;

Beaucoup plus tard, j’avais dix ans , onze ans peu être, avec un billet de quai, j’entrai  dans les splendides souterrains de la gare d’Orsay, ….qui menaient en Bretagne , unique pays qui m’attirait

La musique du départ était belle  avec le charbon, les sifflets , la ferraille , mais je ne rêvais pas de partir tout seul ; j’aurais voulu emmener avec moi ceux que j’aimais  et avec qui j’étais parti la première fois….

Le train partait.

Les derniers voyageurs  arrivaient en courant avec des gestes essoufflés , une valise au bout du bras , et qui gesticulaient. Et voilà déjà le train un peu loin, comme un gibier manqué, et l’homme reste là avec sa valise tremblante, sur le quai .J’aurais dû l’aider, j’aurais dû courir avec lui, lui porter sa valise, rattraper l’heure, le temps, la lumière rouge disparue, l’espoir s’en est allé . J’avais les larmes aux .Et puis l’homme passa devant moi . Je le regardai . Et soudain, le plus simplement, le plus terriblement du monde , je compris (si comprendre veut dire cde qu’il veut dire)je compris qu’avec le train quelque chose de moi avait été emporté.

Cet homme , dans le fond , comme aurait dit mon père, je m’en fichais pas mal, mais ça m’embêtais ,c’était pas simple .Je me parlais comme on se parle d’homme à homme , de petit garçon à petit garçon ….

Et je rentrai .Avais-je appris sans le savoir l’  « indifférence » à qui si souvent ,je devais avoir recours plus tard .

Mais la rue était pareille , quand je rentrai à la maison , et  la maison semblable à la rue,….avec .. ;mon père, ma mère, mes frères, les chats , l’oiseau, le vin sur la table, le couvert mis pour pas grand chose. Ils ne me demandèrent pas ce que j’avais , d’où je venais .

C’étaient les « miens ».Ils me savaient tristes et ne cherchaient  qu’à me changer les idées.

Je les regardais, je les aimais .Ils m’aimaient et me regardaient .Enfin ,on se regardait

Ce jour là, je les aimais peut être davantage, mais j’étais dans un autre paysage .

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27 mars 2007

textes prévert

Liste des poèmes « pour faire le portrait de Prévert »(Spectacle du 20 mars)

Pour faire le portrait d’un oiseau

Peindre d’abord une cage
Avec une porte ouverte
Peindre ensuite
Quelque chose de joli
Quelque chose de simple
Quelque chose de beau
Quelque chose d’utile
Pour l’oiseau
Placer ensuite la toile contre un arbre
Dans un jardin
Dans un bois
Ou dans une forêt
Se cacher derrière l’arbre
Sans rien dire
Sans bouger…

Parfois l’oiseau arrive vite
Mais il pourrait aussi mettre de longues années
Avant de se décider
Ne pas se décourager
Attendre
Attendre s’il le faut pendant des années
La vitesse ou la lenteur de l’arrivée de l’oiseau
N’ayant aucun rapport
Avec la réussite du tableau

Quand l’oiseau arrive
S’il arrive
Observer le plus profond silence
Attendre que l’oiseau entre dans la cage
Et quand il est entré
Fermer doucement la porte avec un pinceau
Puis effacer un à un tous les barreaux
En ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau


Faire ensuite le portrait de l’arbre
En choisissant la plus belle de ses branches
Pour l’oiseau
Peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
La poussière du soleil
Et les bruits des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été
Et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter
Si l’oiseau ne chante pas
C’est mauvais signe
Signe que le tableau est mauvais
Mais s’il chante c’est bon signe
Signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez tout doucement
Une des plumes de l’oiseau Et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau

Familiale

La mère fait du tricot
Le fils fait la guerre
Elle trouve ça tout naturel la mère
Et le père qu’est-ce qu’il fait le père ?
Il fait des affaires
La femme fait du tricot
Son fils la guerre
Lui des affaires
Il trouve ça tout naturel le père
Et le fils et le fils
Qu’est-ce qu’il trouve le fils ?
Il ne trouve rien absolument rien le fils
Le fils de sa mère fait du tricot son père des affaires lui la guerre
Quand il aura fini la guerre
Il fera des affaires avec son père
La guerre continue la mère continue elle tricote
Le père continue il fait des affaires
Le fils est tué il ne continue plus
Le père et la mère vont au cimetière
Ils trouvent ça naturel le père et la mère
La vie continue la vie avec le tricot la guerre les affaires
Les affaires la guerre le tricot la guerre
Les affaires les affaires les affaires
La vie avec le cimetière

Chanson pour les enfants l’hiver

Dans la nuit de l’hiver

galope un grand homme blanc

galope un grand homme blanc

C’est un bonhomme de neige

avec une pipe en bois

un grand bonhomme de neige

poursuivi par le froid

Il arrive au village

il arrive au village

voyant de la lumière

le voilà… rassuré‚   

Il arrive au village

il arrive au village

Dans une petite maison

il entre sans frapper

Dans une petite maison

il entre sans frapper

et pour se réchauffer

et pour se réchauffer

s’assoit sur le poêle rouge

et d’un coup disparaît

ne laissant que sa pipe

au milieu d’une flaque d’eau

ne laissant que sa pipe

et puis son vieux chapeau...

la grasse matinée

Il est terrible
le petit bruit de l'oeuf dur cassé sur un comptoir d'étain
il est terrible ce bruit
quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim
elle est terrible aussi la tête de l'homme
la tête de l'homme qui a faim
quand il se regarde à six heures du matin
dans la glace du grand magasin
une tête couleur de poussière
ce n'est pas sa tête pourtant qu'il regarde
dans la vitrine de chez Potin
il s'en fout de sa tête l'homme
il n'y pense pas
il songe
il imagine une autre tête
une tête de veau par exemple
avec une sauce de vinaigre
ou une tête de n'importe quoi qui se mange
et il remue doucement la mâchoire
doucement
et il grince des dents doucement
car le monde se paye sa tête
et il ne peut rien contre ce monde
et il compte sur ses doigts un deux trois
un deux trois
cela fait trois jours qu'il n'a pas mangé
et il a beau se répéter depuis trois jours
Ça ne peut pas durer
ça dure
trois jours
trois nuits
sans manger
et derrière ce vitres
ces pâtés ces bouteilles ces conserves
poissons morts protégés par les boîtes
boîtes protégées par les vitres
vitres protégées par les flics
flics protégés par la crainte
que de barricades pour six malheureuses sardines..
Un peu plus loin le bistrot
café-crème et croissants chauds
l'homme titube
et dans l'intérieur de sa tête
un brouillard de mots
un brouillard de mots
sardines à manger
oeuf dur café-crème
café arrosé rhum
café-crème
café-crème
café-crime arrosé sang !...
Un homme très estimé dans son quartier
a été égorgé en plein jour
l'assassin le vagabond lui a volé
deux francs
soit un café arrosé
zéro franc soixante-dix
deux tartines beurrées
et vingt-cinq centimes pour le pourboire du garçon.

CHARADE
LE ROI 
Fais-moi rire, bouffon. 
LE BOUFFON 
Sire, votre premier ministre est un imbécile, votre second ministre un idiot, votre troisième ministre un crétin, votre quatrième ministre… 
LE ROI 
( saisi de grande hilarité) 
Arrête, bouffon, et dis-moi la solution. 
LE BOUFFON 
La solution, Sire: vous êtes le roi des cons.

LE CANCRE

Il dit non avec la tête
mais il dit oui avec le coeur
il dit oui à ce qu'il aime
il dit non au professeur
il est debout
on le questionne
et tous les problèmes sont posés
soudain le fou rire le prend
et il efface tout
les chiffres et les mots
les dates et les noms
les phrases et les pièges
et malgré les menaces du maître
sous les huées des enfants prodiges
avec des craies de toutes les couleurs
sur le tableau noir du malheur
il dessine le visage du bonheur

Les animaux ont des ennuis

Le pauvre crocodile n’a pas de C cédille

On a volé les ailes de la pauvre grenouille

Le poisson scie a des soucis

Le poisson sol ça le désole

Mais tous les oiseaux ont des ailes

Même le vieil oiseau bleu

Même la grenouille verte

Elle a deux L avant l’E

Laissez les oiseaux à leur mère

Laissez les ruisseaux dans leur lit

Laissez les étoiles de mer

Sortir si ça leur plait la nuit

Laissez les p’tits enfants briser leur tirelire

Laissez passer le café si ça lui fait plaisir

La vieille armoire normande

Et la vache bretonne

Sont parties dans la lande

En riant comme deux folles

Les petits veaux abandonnés

Pleurent comme des veaux abandonnés

Car les petits veaux n’ont pas d’ailes

Comme le vieil oiseau bleu

Ils ne possèdent à eux deux

Que quelques pattes et deux queues

Laissez les oiseaux à leur mère

Laissez les ruisseaux dans leur lit

Laissez les étoiles de mer

Sortir si ça leur plait la nuit

Laissez les éléphants ne pas apprendre à lire

Laissez les hirondelles aller et revenir

DÉJEUNER DU MATIN

Il a mis le café
Dans la tasse
Il a mis le lait
Dans la tasse de café
Il a mis le sucre
Dans le café au lait
Et il a reposé la tasse
Sans me parler
Il a allumé
Une cigarette
Il a fait des ronds
Avec la fumée
Il a mis les cendres
Dans le cendrier
Sans me parler
Sans me regarder
Il s'est levé
Il a mis
Son chapeau sur sa tête
Il a mis
Son manteau de pluie
Parce qu'il pleuvait
Et il est parti
Sous la pluie
Sans une parole
Sans me regarder
Et moi j'ai pris
Ma tête dans ma main
Et j'ai pleuré.

. UN BEAU MATIN

Il n'avait peur de personne
Il n'avait peur de rien
Mais un matin un beau matin
Il croit voir quelque chose
Mais il dit Ce n'est rien
Et il avait raison
Avec sa raison sans nul doute
Ce n' était rien
Mais le matin ce même matin
Il croit entendre quelqu'un
Et il ouvrit la porte
Et il la referma en disant Personne
Et il avait raison
Avec sa raison sans nul doute
Il n'y avait personne
Mais soudain il eut peur
Et il comprit qu'Il était seul
Mais qu'Il n'était pas tout seul
Et c'est alors qu'il vit
Rien en personne devant lui

Barbara

Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t'ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N'oublie pas

Un homme sous un porche s'abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t'es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m'en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j'aime
Même si je ne les ai vus qu'une seule fois
e dis tu à tous ceux qui s'aiment
Même si je ne les connais pas

Rappelle-toi Barbara
N'oublie pas
Cette pluie sur la mer
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l'arsenal
Sur le bateau d'Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu'es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d'acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara

Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n'est plus pareil et tout est abîmé
C'est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n'est même plus l'orage
De fer d'acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l'eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien

Les belles familles

Louis I
Louis II
Louis III
Louis IV
Louis V
Louis VI
Louis VII
Louis VIII
Louis IX
Louis X (dit le Hutin)
Louis XI
Louis XII
Louis XIII
Louis XIV
Louis XV
Louis XVI
Louis XVII
Louis XVIII
et plus personne plus rien...
qu'est-ce que c'est que ces gens-là
qui ne sont pas foutus
de compter jusqu'à vingt ?

Chanson des escargots qui vont à l’enterrement

A l'enterrement d'une feuille morte
Deux escargots  s'en vont
Ils ont la coquille noire
Du crêpe autour des cornes
Ils s'en vont dans le soir
Un très beau soir d'automne
Hélas quand ils arrivent
C'est déjà le printemps
Les feuilles qui étaient mortes
Sont toutes réssucitées
Et les deux escargots
Sont très désappointés
Mais voila le soleil
Le soleil qui leur dit
Prenez prenez la peine
La peine de vous asseoir
Prenez un verre de bière
Si le coeur vous en dit
Prenez si ça vous plaît
L'autocar pour Paris
Il partira ce soir
Vous verrez du pays
Mais ne prenez pas le deuil
C'est moi qui vous le dit
Ça noircit le blanc de l'oeil
Et puis ça enlaidit
Les histoires de cercueils
C'est triste et pas joli
Reprenez vous couleurs
Les couleurs de la vie
Alors toutes les bêtes
Les arbres et les plantes
Se mettent a chanter
A chanter a tue-tête
La vrai chanson vivante
La chanson de l'été
Et tout le monde de boire
Tout le monde de trinquer
C'est un très joli soir
Un joli soir d'été
Et les deux escargots
S'en retournent chez eux
Ils s'en vont très émus
Ils s'en vont très heureux
Comme ils ont beaucoup bu
Ils titubent un petit peu
Mais la haut dans le ciel
La lune veille sur eux.

Soyez Polis

Couronné d'étincelles

Un marchand de pierre à briquet

Elève la voix le soir

Dans les couloirs de la station Javel

Et ses grands écart de langage

Déplaisent à la plupart des gens

Mais la brûlure de son regard

Les rappelle à de bons sentiments

Soyez polis

Crie l'homme

Soyez polis avec les aliments

Soyez polis

Avec les éléments avec les éléphants

Soyez polis avec les femmes

Et avec les enfants

Soyez polis

Avec les gars du bâtiment

Soyez polis

Avec le monde vivant

. II

Il faut aussi être très poli avec la terre

Il faut les remercier le matin en se réveillant

Il faut les remercier pour la chaleur

Pour les arbres

Pour les fruits

Pour tout ce qui est bon à manger

Pour tout ce qui est beau à regarder

A toucher

Il faut les remercier

Il ne faut pas les embêter...

Les critiquer

Ils savent ce qu'ils ont à faire

Le soleil et la terre

Alors il faut les laisser faire

Ou bien ils sont capables de se fâcher

Et puis après

On est changé

En courge

En melon d'eau

Ou en pierre à briquet

Et on est bien avancé...

Le soleil est amoureux de la terre

Ça les regarde

C'est leur affaire

Et quand il y a des éclipses

Il n'est pas prudent ni discret de les regarder

Au travers de sales petits morceaux de verre fumé

Ils se disputent

C'est des histoires personnelles

Mieux vaut ne pas s'en mêler

Parce que

Si on s'en mêle on risque d'être changé

En pomme de terre gelée

Ou en fer à friser

Le Soleil aime la terre

La terre aime le soleil

Et elle tourne

Pour se faire admirer

Et le soleil la trouve belle

Et il brille sur elle

Et quand il est fatigué

Il va se coucher

Et la lune se lève

La lune c'est l'ancienne amoureuse du soleil

Mais elle a été jalouse

Et elle a été punie

Elle est devenue toute froide

Et elle sort seulement la nuit

Il faut aussi être très poli avec la lune

Ou sans ça elle peut vous rendre un peu fou

Et elle peut aussi

Si elle veut

Vous changer en bonhomme de neige

En réverbère

Ou en bougie

En somme pour résumer

Deux points ouvrez les guillemets

" Il faut que tout le monde soit poli avec le monde ou alors:

il y a des guerres ... des épidémies des tremblements de terre

des paquets de mer des coups de fusil ...

Et de grosses méchantes fourmis rouges qui viennent vous

   dévorer les pieds pendant qu'on dort la nuit. "

Texte narratif  du spectacle

extrait du texte « Enfance » dont vous pouvez trouver l’intégralité dans le recueil

« Choses et autres »

1906 Neuilly sur Seine….

.Souvent au bois ,un cerf traversait une allée .Un peu partout les gens mangeaient, buvaient, prenaient le café. Un ivrogne passait et hurlait : »dépêchez vous !mangez sur l’herbe, un jour ou l’autre, l’herbe mangera sur vous ! »…..

il y avait des gens qui faisaient la musique, qui chantaient , qui faisaient la fête, qui faisaient la gaité, et ceux qui, à voix basse, s’engueulaient autour de guéridon, étaient tout de même sous le charme et leurs injures ,leurs pauvres menaces, on aurait dit qu’il les chantaient……

Et puis Printania, un grand café concert en  plein air …et quand la nuit était belle le toit du théatre  s ‘en allait , les étoiles aussi pouvaient contempler le spectacle…des chanteurs. Il y en avait un qui était drôle comme tout .Et pourtant il était tout en noir triste, et avec une tête à pleurer tout le temps….

Il chantait : »J’ai la neurasthénie, c’est rigolo ,oh, oh »et tout le monde se tordait de rire ,même mon père .Pourtant il en avait lui,  de la neurasthénie.

« c’est à la mode, disait il mais je m »en passerais bien : la tristesse qui s’installe dans votre tête et qui va et vient ,là, comme chez elle »….

On allait aussi dans un petit chemin de fer au jardin d’Acclimatation…

Les plantes étaient grandes comme des arbres….Dans les serres, c’était toujours le silence ,même quand il y avait du monde.

Devant les bêtes ,les gens parlaient très fort…surtout devant les singes .Mais devant les plantes, ils se taisaient, comme dans les églises, et c’est à voix basse qu’ils lisaient les noms écrits en latin, sur de petites pancartes .Tout était vert , même la chaleur, et les gens n’étaient pas habitués…

Ce fut ma mère qui m’apprit à lire, puisqu’il fallait bien y passer. Avec un alphabet, bien sûr, mais surtout avec l’Oiseau Bleu, avec la Belle et la Bête…avec les Musiciens de la Ville de Brême

Comme toutes les plus belles filles du monde , ma mère avait aussi les plus beaux yeux et d’un bleu tellement bleuet tellement souriant .Des fois elle rougissait ou plutôt devenait toute rose et elle était comme les reines qu’on peint sur les tableaux …Mais elle était bien plus vivante qu’une actrice, tout ce qu’elle faisait était vrai…C’était une étoile de la vie…

Mon père et ma mère ne riaient pas autant ensemble mais ça se voyait qu’ils s’aimaient beaucoup…

Mon père ,lui, commentait les choses ,en tirait la « moralité » et comme je l’amusais ,le fâchais, le décevais et l’intriguais tout à la fois ,il m’expliquait, il me disait comment j’étais dans le fond .Ma mère ,jamais :elle me savait…

(Mon Père)Il travaillait à la « Providence »,une grande Compagnie d’assurance de Paris ,rue de Gramont, près de l’Opéra-Comique .Mais les accidents, les incendies, ça ne l’intéressait que médiocrement.

« Je fais en attendant »…mais il ne donnait aucune précision sur ce qu’il attendait

C’est le docteur  Tollmer qui nous soigne…

« C’est tout simple , le santé ..mais il faut la garder ,.sortir les enfants par n ‘importe quel temps et la teinture d’iode s’ils sont enrhumés :10 gouttes dans du lait ….Et puis bien entendu, l’huile de foie de morue… »

Ca il aurait mieux fait de se taire , le bon docteur Tollmer, mais on ne lui en veut pas puisqu’il soigne très bien papa qui « jouit d’une très délirante santé » :l’enthérite, les courbatures, la dépression nerveuse, la mélancolie.

« Freinez un peu le vélo ….et les appéritifs aussi ;un jour ou l’autre ,il faudra bien vous y décider. »…

…mon père hausse les épaules :  « Il est bien gentil avec sa mélancolie, sa neurasthénie .J’ai tout simplement le mal du pays, le mal de la Provence ! »

Peu de temps après il (mon père)demande un congé à la Providence…et prend le train pour le Pont du Gard où habite un de ses amis

Nous recevons des cartes postales du Pont du Gard…et quand il revient ,nous sommes très heureux de le revoir, d’autant plus qu’il nous dit très émus , combien nous lui avons manqué….

Et l’on partait ,nous aussi, en vacances .pas en Provence ,mais en Bretagne.

Les vacances, c’était pour mon frère ne plus aller à l’école ,pour mon frère ne plus aller à l’école, pour mon père échapper à la Providence, pour ma mère ,se reposer si elle le pouvait, pour moi c’était la mer…La mer , je courais après elle ,elle courait après moi ,tous les deux on faisait ce qu’on voulait .C’était comme dans les contes de fées :elle changeait les gens .A peine arrivés ,ils n’avaient plus la même couleur , ni la même façon de parler…on aurait des autres

Elle changeait aussi les choses et elle les expliquait .Avec elle, je savais l’horizon, le flux , le reflux ,le crépuscule, l’aube, le vent qui se lève ,le temps qui va trop vite et qui n ‘en finit plus… et un tas de choses qui me plaisaient et que, loin d’elle ,très vite, j’oubliais

Les vacances finies ,on rentrait et une fois mon père nous montra , par la portière, le petit village d’Ancenis.

« Regarde bien Ancenis ,et si tu ne l’as pas vu ,tu n’as rien perdu .Dans son petit séminaire, j’ai fait mes études, c’est l’endroit où j’ai le plus souffert de ma vie .Ils étaient odieux et cruels avec les enfants qui les aimaient pas .Maintenant , quand tu m’entendras crier me cauchemars, tu sauras ce qu’il y a dedans .Ta mère d’ailleurs, le sait depuis longtemps …car elle aussi.. »

« Oh moi ce n’est pas pareil. .je n ‘oublie pas , bien sûr, mais ça ne ma donne pas de mauvais rêves. »….

…..elle sort le chat Sigurd du panier, le prend dans ses bras .. ;comme un enfant

« si tu m’aimes ,Sigurd, remue l’oreille une fois. »

Et Sigurd remue l’oreille.

« Et Jacques.. ;si tu l’aimes, remues deux fois. »

Sigurd remue deux fois

« Et André ?Situ l’aimes ,remue l’oreille trois fois. »

et Sigurd ne remue pas l’oreille du tout.

Mon père hausse les épaules ,vexé ….

.. ; « n’est ce pas que tu l’aimes bien André et même que tu l’aimes beaucoup ? »

Et Sigurd remue les deux oreilles à toute vitesse comme un petit âne incommodé par les mouches .

J’ai mis longtemps à comprendre le truc et pourtant c’était d’une simplicité enfantine, un souffle ,un rien .Ma mère ,imperceptiblement ,soufflait sur l’oreille du chat en temps utile.

« Ta mère, c’est une fée »disait papa

C’est pour cela que j’avais peur, quand elle me lisait des contes, qu’elle disparaisse dans l’histoire comme les fées .. ;

…l’automne s ‘attardait un peu pour prolonger ses adieux, et c’était l’hiver avec ses histoires déchirantes de ramoneurs perdus dans la neige comme les pauvres à Paris dans les rues.

Ma mère attendait le printemps ;elle était soucieuse ….parce qu’elle attendait aussi un bébé en même temps .C’est pas grand ,un bébé, mais je me demandais comment il allait tenir la dedans …..Un jour,.. .ma mère se couche .Elle était pas bien , elle avait grossi un petit peu ,elle avait l’air fatiguée… ;tout autour du lit , les gens disaient :

« Qu’est ce que tu préfères ….qu’est ce que vous préférez ,une fille ou un garçon.. ,une fille ,ça vous changerait ! »

« pourquoi choisir d’avance » disait maman « je préférerai celui ou celle que j’aurai »

Moi , j’étais inquiet ,les nouveaux-nés me faisaient plutôt peur .Ceux que j’avais vus n’avaient pas l’air heureux, on aurait dit des petits vieux… Ceux que j’avais vus n’avaient pas l’air heureux, on aurait dit des petits vieux…. ;ils commençaient des, gestes, mais ne les finissaient pas, comme des jouets mécaniques dont on a perdu la  clé….

Un beau jour ,on dit toujours un beau jour ,mais celui là n’était pas plus beau que les autres , au contraire ,ma mère parut tout à coup plus malade qu’on me l’avait dit et mon père beaucoup plus nerveux que d’habitude .Il se disputait avec grand-mère Sophie qui nous racontait des histoires de choux, de cigognes…..Une grosse bonne femme traversait tout le temps l’appartement avec des seaux remplis de coton taché de sang.

C’était comme à l’hôpital , le jour des amygdales.

Et mos frère arriva…

…Pierre ,c’était le nom de mon petit frère, je trouvais que pour un nouveau-né ,il avait l’air plutôt jeune lui aussi…,et , que sans doute pour faire plaisir à ma mère, je déclarai que je l’aimerai beaucoup.

Plus tard , ce que j’avais dit devint vrai, mais je mis beaucoup de temps avant de m’en apercevoir.

Peu d temps après la naissance de mon frère, nous déménageons .c’est la première fois, ça m’amuse beaucoup lais mon père et ma  mère, pas du tout .Nous avons beaucoup d’ennuis , paraît il , et naturellement, comme toujours, des ennuis d’argent .Mais cette fois, il paraît que « ça dépasse les limites ».

« Plein la malle jusqu’au cadenas »dit papa.

Il a perdu sa situation .Il ne tenait pas tellement à elle et elle , sans doute ,pas davantage à lui…

…Nous habitons maintenant rue Jacques Dulud ,un petit rez de chaussée assez sombre…

…nous ne vivons plus pareil. Au café de l’Hotel-de-Ville, mon père y va de moins en moins souvent et quand il y va, boit beaucoup plus modestement…

…A la maison, on mange froid presque tous les jours .A moi ça me plait , j’aime beaucoup la charcuterie, les sardines à l’huile, le roquefort….

Et ma mère allait faire les courses tout comme mon pères allait au bar, à crédit….

…Mais ils avaient dire, beau chanter et rire, je savais qu’à la maison, il y avait quelque chose d’ abimé Heureusement que ma mère  m’a déjà appris à lire .Aujourd’hui , avec le bébé , elle n’aurait pas le temps.

Alors je lis et même , quand ça fait peur ou que ce n’est pas gai, ça m’empêche de penser à ce qui est triste pour de vrai.. Et puis , j’aime lire. J’en ai pris très vite l’habitude…

…Je n’aime pas « Les lettre  de mon moulin », je n’aime pas « le sous-prefet aux champs « qui faisait des vers en mâchonnant des violettes….

…Je préfère les autres , tous les autres, tous les livres des autres ….

…le soir, je lis très tard avec la veilleuse allumée…

Ainsi les nuits passaient très vite, sauf quand mon père , qui avait ses « cauchemars » me réveillait :

« Ne m’arrachez pas mes chaussettes, j’ai des engelures, ça m’écorche les pieds…Non ,je ne veux pas qu’on m’enferme dans un cabinet noir » Je ma levais , le secouais un peu, il se réveillait, m’embrasait, ou alors c’était lui qui sautait du lit et venait me raconter ses mauvais rêves pour s’en débarrasser…

Un beau jour….D’un coup de baguette magique, de magie noire disait papa, un sorcier à tête d’huissier était venu et tout avait disparu, sauf les lits, une table, la plus petite, quatre chaises, le berceau de Pierrot, ma ferme, mon cirque, mon cochon en carton et Sigurd.

Comme c’est grand maintenant chez nous, Sigurd  a toute la place pour sauter, courir, on se croirait au concours hippique et sur la petite table , on mange, mon frère fait ses devoirs et mon père écrit mais, heureusement , pas tout cela en même temps.

Ce que mon père écrit et sans arrêt, c’est seulement des enveloppes …. C’est toujours « en attendant »…

Un soir, rentrant fort tard, il annonce à maman que c’est chose faite et qu’il a trouvé… enfin  qu’on lui a fait une excellente proposition :

« Une porte ouverte , c’est un peu loin évidemment mais en plein soleil ! »…

A la gare de Lyon, un soir, nous prenons le train pour Toulon…..

Toulon…Je suis couché, il y a un docteur dans la chambre, ce n’est pas le docteur Tollmer, c’est un docteur avec une voix qui chante.

« Il va mieux , encore un peu de délire, je ne crois pas à une fièvre cérébrale, une insolation, un malaise passager. »

Mon père et ma mère parlent aussi et très loin, et dans ma tête une grosse pierre tourne, s’avance ,recule, s’en va et puis des chiffres arrivent, des chiffres qui se comptent tout seuls sans jamais s’arrêter.

Et puis tout ça s’en va . J’ai faim, j’ai soif et je me lève, je vais à la fenêtre…

C’est beau.Une grande place avec des platanes et puis des diligences comme en Amérique et leurs chevaux qui rêvent au soleil, un soleil très doux qui se promène doucement dans le vert des branches.

C’est la place Armand Vallée où nous habitons, au dessus du bistrot d’un hôtel, une chambre avec trois lits ,un papier peint tout déchiré et des petits cancrelats qui trottent sur une carpette usée. J’entre en convalescence, pas une grande, ça dure à peine deux jours.

Et l’hiver venait .Au bureau de l’hôtel, en buvant un verre qu’il faisait marquer, mon père demandait s’il n’y avait pas une lettre pour lui.

« Pas de courrier » répondait l’hôtelier.

« C’est gai », disait mon père…

Une fois , il reçut un télégramme , le regarda longtemps, but un verre, puis un autre, déchira le télégramme et le jeta au vent, sans le lire.

« mon petit, les télégrammes , c’est toujours des mauvaises nouvelles. »

…. L’hiver avait beau s’annoncer radieusement, l’hôtelier devenait de moins en moins aimable et ma mère semblait quelquefois gagnée par la tristesse de mon père.

….Un soir ,mon père m’emmena sur le quai Cronstadt et , ce soir-là, le quai était désert et froid et mon père était si désemparé que le petit clapotis de la mer , on aurait dit qu’il fredonnait une chanson triste, un mauvais air.

« Mon petit, à force de tirer la corde , elle finit par casser , eu bout du fossé la culbute, et j’en passe .Je vous aimais trop ou pas assez. Moi parti, ON s’occupera de vous et ça leur servira de leçon. »

« T’es fou ,papa ? »

« Ton père c’est comme un chien abandonné , adieu mon petit. Je vais me fiche à l’eau. Surtout n’oublie pas de dire à ta mère que je l’ai beaucoup aimée. »…

« Allons papa, fais pas de bêtise. »

« Je n’ai pourtant rien bu ».. ;

« J’ai pas dit ça, allez, rentrons. »

Et j’emmène mon père par la main comme un père emmène son petit garçon.

A l’hôtel ,mon père s’arrête un instant au comptoir et je raconte à ma mère cette pauvre histoire…..

« N’aie pas peur, il m’a déjà à fait le coup à moi aussi….

Le lendemain, au un autre jour …,mon père reçoit une lettre recommandée.

« Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ? »

« Ni bonne ni mauvaise, une bouée de sauvetage de rien du tout !…mais ça vaut tout de même mieux qu’une pierre au cou …Demain, nous rentrons à Paris »

Paris , 1907.

Dès notre arrivée, nous allons dans un petit hôtel proche de la gare

« On ne pouvait aller plus loin » dit ma mère.

« Ni descendre plus bas » dit papa en nous quittant.

L’hôtel est sale et gris, mais le poêle est tout rouge et les gens qui se chauffent autour sont tous gentils  ma mère et aux petits soins pour elle , car avec Pierrot, elle ne peut rester dans la chambre qui n’est pas chauffée .Moi je vais me promener dans la gare et tout autour.

A paris ,il y a beaucoup plus de bruit qu’ à Toulon et tout va si vite, tout est si froid, qu’en courant je rentre à l’hôtel où un peu plus tard , mon père arrive à son tour et nous dit …sans le moindre enthousiasme…  qu’il a ….trouvé une situation

« Dans les assurances ? »

« Non , 175 Boulevard Saint Michel où ton grand père est , si tu l’a oublié, Président de l’Office Central des Pauvres de Paris. »

« Qu’est ce que tu feras comme travail ? »

« J’irai visiter les pauvres pour savoir s’ils méritent qu’on leur vienne en aide . »

Rue de Vaugirard , près de l’Odéon.

C’est tout en haut notre logement …l’eau et le reste c’est sur l’escalier ; là on rencontre tout le temps les voisins ,comme ça on sait qui c’est.

…nos fenêtres donnent sur le ciel, l’une d’elles sur la cour de l’école…

Non ,c’est pas terrible l’école….C’est comme les copains m’ont raconté :on est assis toute la journée, on n’a pas le droit de bouger ,on guette les heures et on les écoute sonner.

Tout à fait comme les problèmes qu’on me posera un peu plus tard à la leçon d’arithmétique :

« Un élève entre en classe à 8 h 30 , en sort à 11 h 30, revient à 1 heure et s’en va à 4 heures. Combien de minutes s’est il ennuyé ? »

On peut soustraire les chansons des rues, la pluie et la grêle …et même , bien souvent la bonne humeur du maître ça fait tout de même un bon petit bout de temps ,les mains sur la table ou les bras croisés .Alors , j’attendais, j’attendais  …4 heures

Le jeudi , j’accompagnais souvent papa qui « allait faire ses enquêtes »….on allait voir les pauvres…

On allait partout , on entrait partout  comme à la fête, mais une grande fête triste, sans  musique et qui n’en finissait jamais…mais c’était toujours les rues des  quartiers les plus pauvres qui avaient les plus jolis noms ;la rue de la Chine ,la rue du Chat-qui-Pêche , la rue aux ours, la rue du Soleil ,la rue du Bois Doré…C’était sûrement les pauvres qui les avaient trouvé s , ces noms, pour embellir les choses.

Des fois, je restais dehors et même un jour , dans la rue des Alouettes, un gros chien m’a mordu les fesses.Ca , avec le jour où un grand bélier à Ville d’Avray , m’a fichu dans un étang, ce n’était pas un souvenir heureux….Quand parfois j’accompagnais mon père, ce n’était très agréable non plus  et , à côté, nos deux pièces à Paris me semblaient un palais.

Ce n’était pas comme au cinéma du Panthéon ,où nous allions toutes les semaines tous ensemble, puisqu’on emmenait Pierrot :qui l’aurait gardé !……

Derrière l’écran, il y avait un homme qui faisait tous les bruits  avec un petit attirail qui n’avait l’air de rien :des grelots, des papiers de verre, un sifflet ,un révolver , des marteaux ;et c’était l’orage, le vent et la mer ou le chant des oiseaux ….Le dimanche , quand c’atait un film de Far-West, un acteur, habillé en cow-boy, racontait le film en balançant son lasso. Une fois, pendant « Le Massacre », un film terrible où les indiens tuaient tous les soldats réfugiés derrière leurs chariots, la musique ,le bruit, les coups de feu, ça faisait un tel vacarme que les spectateurs mécontents hurlaient qu’ils ne voyaient plus rien….

En face de l’école , il y avait un bouquiniste où on trouvait un tas de choses : »Rifle d’or », « Morgan le pirate », « Texas Jack » et surtout , « Sitting Bull » que j’aimais beaucoup parce qu’il était indien et que les Indiens, c’était eux qui étaient dans leur droit, comme les noirs dans « La case de l’oncle Tom »…

Comme je fouillais  à l’étalage ,un jour je vis arriver des Américains :une petite fille, un petit garçon, avec leurs parents. Ils n’étaient pas habillés comme dans les films du Far-West mais leur père , ….était coiffé d’un véritable chapeau cow-boy, un Stetson , la marque était dedans.

Ils restèrent fort peu de temps mais , tout de suite on était devenu de grands amis.

Aujourd’hui ,ils sont loin , les « Américains »…Mais je peux m’arrêter dans cette rue , ils sont toujours là dans l’aujourd’hui de ce temps là, et chantent , et rient, disent au revoir et bonjour, à demain, et toujours en américain ,, avec la même couleur , la même fraîcheur et la  et la même ardeur .Et les chaises qu’on traînait par terre , dans les allées du Luxembourg, les déserts de l’Arizona, je pourrais encore suivre leur trace comme on retrouve un air sur un vieux disque aux sillons effacés.

Un soir, la pluie commençait à tomber ;je venais de quitter mes amis et , assis sur le trottoir malgré cette pluie , j’avais envie de pleurer.

Elle n’y était pour rien la pluie, mais je n’étais pas content de ma journée , je trouvais que la petite fille c’était une petite fille pour jouer, pour rire, mais pas comme souvent je rêvais , une petite fille à aimer….

De temps à autre, cela m’arrivait déjà de réfléchir, de causer avec moi , quand j’étais tout seul et par la suite , en grandissant , cela devint de plus en plus fréquent et quelquefois c’était très drôle, mais rarement ;

Beaucoup plus tard, j’avais dix ans , onze ans peu être, avec un billet de quai, j’entrai  dans les splendides souterrains de la gare d’Orsay, ….qui menaient en Bretagne , unique pays qui m’attirait

La musique du départ était belle  avec le charbon, les sifflets , la ferraille , mais je ne rêvais pas de partir tout seul ; j’aurais voulu emmener avec moi ceux que j’aimais  et avec qui j’étais parti la première fois….

Le train partait.

Les derniers voyageurs  arrivaient en courant avec des gestes essoufflés , une valise au bout du bras , et qui gesticulaient. Et voilà déjà le train un peu loin, comme un gibier manqué, et l’homme reste là avec sa valise tremblante, sur le quai .J’aurais dû l’aider, j’aurais dû courir avec lui, lui porter sa valise, rattraper l’heure, le temps, la lumière rouge disparue, l’espoir s’en est allé . J’avais les larmes aux .Et puis l’homme passa devant moi . Je le regardai . Et soudain, le plus simplement, le plus terriblement du monde , je compris (si comprendre veut dire cde qu’il veut dire)je compris qu’avec le train quelque chose de moi avait été emporté.

Cet homme , dans le fond , comme aurait dit mon père, je m’en fichais pas mal, mais ça m’embêtais ,c’était pas simple .Je me parlais comme on se parle d’homme à homme , de petit garçon à petit garçon ….

Et je rentrai .Avais-je appris sans le savoir l’  « indifférence » à qui si souvent ,je devais avoir recours plus tard .

Mais la rue était pareille , quand je rentrai à la maison , et  la maison semblable à la rue,….avec .. ;mon père, ma mère, mes frères, les chats , l’oiseau, le vin sur la table, le couvert mis pour pas grand chose. Ils ne me demandèrent pas ce que j’avais , d’où je venais .

C’étaient les « miens ».Ils me savaient tristes et ne cherchaient  qu’à me changer les idées.

Je les regardais, je les aimais .Ils m’aimaient et me regardaient .Enfin ,on se regardait

Ce jour là, je les aimais peut être davantage, mais j’étais dans un autre paysage .

27 mars 2007

textes prévert

Liste des poèmes « pour faire le portrait de Prévert »(Spectacle du 20 mars)

Pour faire le portrait d’un oiseau

Peindre d’abord une cage
Avec une porte ouverte
Peindre ensuite
Quelque chose de joli
Quelque chose de simple
Quelque chose de beau
Quelque chose d’utile
Pour l’oiseau
Placer ensuite la toile contre un arbre
Dans un jardin
Dans un bois
Ou dans une forêt
Se cacher derrière l’arbre
Sans rien dire
Sans bouger…

Parfois l’oiseau arrive vite
Mais il pourrait aussi mettre de longues années
Avant de se décider
Ne pas se décourager
Attendre
Attendre s’il le faut pendant des années
La vitesse ou la lenteur de l’arrivée de l’oiseau
N’ayant aucun rapport
Avec la réussite du tableau

Quand l’oiseau arrive
S’il arrive
Observer le plus profond silence
Attendre que l’oiseau entre dans la cage
Et quand il est entré
Fermer doucement la porte avec un pinceau
Puis effacer un à un tous les barreaux
En ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau


Faire ensuite le portrait de l’arbre
En choisissant la plus belle de ses branches
Pour l’oiseau
Peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
La poussière du soleil
Et les bruits des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été
Et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter
Si l’oiseau ne chante pas
C’est mauvais signe
Signe que le tableau est mauvais
Mais s’il chante c’est bon signe
Signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez tout doucement
Une des plumes de l’oiseau Et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau

Familiale

La mère fait du tricot
Le fils fait la guerre
Elle trouve ça tout naturel la mère
Et le père qu’est-ce qu’il fait le père ?
Il fait des affaires
La femme fait du tricot
Son fils la guerre
Lui des affaires
Il trouve ça tout naturel le père
Et le fils et le fils
Qu’est-ce qu’il trouve le fils ?
Il ne trouve rien absolument rien le fils
Le fils de sa mère fait du tricot son père des affaires lui la guerre
Quand il aura fini la guerre
Il fera des affaires avec son père
La guerre continue la mère continue elle tricote
Le père continue il fait des affaires
Le fils est tué il ne continue plus
Le père et la mère vont au cimetière
Ils trouvent ça naturel le père et la mère
La vie continue la vie avec le tricot la guerre les affaires
Les affaires la guerre le tricot la guerre
Les affaires les affaires les affaires
La vie avec le cimetière

Chanson pour les enfants l’hiver

Dans la nuit de l’hiver

galope un grand homme blanc

galope un grand homme blanc

C’est un bonhomme de neige

avec une pipe en bois

un grand bonhomme de neige

poursuivi par le froid

Il arrive au village

il arrive au village

voyant de la lumière

le voilà… rassuré‚   

Il arrive au village

il arrive au village

Dans une petite maison

il entre sans frapper

Dans une petite maison

il entre sans frapper

et pour se réchauffer

et pour se réchauffer

s’assoit sur le poêle rouge

et d’un coup disparaît

ne laissant que sa pipe

au milieu d’une flaque d’eau

ne laissant que sa pipe

et puis son vieux chapeau...

la grasse matinée

Il est terrible
le petit bruit de l'oeuf dur cassé sur un comptoir d'étain
il est terrible ce bruit
quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim
elle est terrible aussi la tête de l'homme
la tête de l'homme qui a faim
quand il se regarde à six heures du matin
dans la glace du grand magasin
une tête couleur de poussière
ce n'est pas sa tête pourtant qu'il regarde
dans la vitrine de chez Potin
il s'en fout de sa tête l'homme
il n'y pense pas
il songe
il imagine une autre tête
une tête de veau par exemple
avec une sauce de vinaigre
ou une tête de n'importe quoi qui se mange
et il remue doucement la mâchoire
doucement
et il grince des dents doucement
car le monde se paye sa tête
et il ne peut rien contre ce monde
et il compte sur ses doigts un deux trois
un deux trois
cela fait trois jours qu'il n'a pas mangé
et il a beau se répéter depuis trois jours
Ça ne peut pas durer
ça dure
trois jours
trois nuits
sans manger
et derrière ce vitres
ces pâtés ces bouteilles ces conserves
poissons morts protégés par les boîtes
boîtes protégées par les vitres
vitres protégées par les flics
flics protégés par la crainte
que de barricades pour six malheureuses sardines..
Un peu plus loin le bistrot
café-crème et croissants chauds
l'homme titube
et dans l'intérieur de sa tête
un brouillard de mots
un brouillard de mots
sardines à manger
oeuf dur café-crème
café arrosé rhum
café-crème
café-crème
café-crime arrosé sang !...
Un homme très estimé dans son quartier
a été égorgé en plein jour
l'assassin le vagabond lui a volé
deux francs
soit un café arrosé
zéro franc soixante-dix
deux tartines beurrées
et vingt-cinq centimes pour le pourboire du garçon.

CHARADE
LE ROI 
Fais-moi rire, bouffon. 
LE BOUFFON 
Sire, votre premier ministre est un imbécile, votre second ministre un idiot, votre troisième ministre un crétin, votre quatrième ministre… 
LE ROI 
( saisi de grande hilarité) 
Arrête, bouffon, et dis-moi la solution. 
LE BOUFFON 
La solution, Sire: vous êtes le roi des cons.

LE CANCRE

Il dit non avec la tête
mais il dit oui avec le coeur
il dit oui à ce qu'il aime
il dit non au professeur
il est debout
on le questionne
et tous les problèmes sont posés
soudain le fou rire le prend
et il efface tout
les chiffres et les mots
les dates et les noms
les phrases et les pièges
et malgré les menaces du maître
sous les huées des enfants prodiges
avec des craies de toutes les couleurs
sur le tableau noir du malheur
il dessine le visage du bonheur

Les animaux ont des ennuis

Le pauvre crocodile n’a pas de C cédille

On a volé les ailes de la pauvre grenouille

Le poisson scie a des soucis

Le poisson sol ça le désole

Mais tous les oiseaux ont des ailes

Même le vieil oiseau bleu

Même la grenouille verte

Elle a deux L avant l’E

Laissez les oiseaux à leur mère

Laissez les ruisseaux dans leur lit

Laissez les étoiles de mer

Sortir si ça leur plait la nuit

Laissez les p’tits enfants briser leur tirelire

Laissez passer le café si ça lui fait plaisir

La vieille armoire normande

Et la vache bretonne

Sont parties dans la lande

En riant comme deux folles

Les petits veaux abandonnés

Pleurent comme des veaux abandonnés

Car les petits veaux n’ont pas d’ailes

Comme le vieil oiseau bleu

Ils ne possèdent à eux deux

Que quelques pattes et deux queues

Laissez les oiseaux à leur mère

Laissez les ruisseaux dans leur lit

Laissez les étoiles de mer

Sortir si ça leur plait la nuit

Laissez les éléphants ne pas apprendre à lire

Laissez les hirondelles aller et revenir

DÉJEUNER DU MATIN

Il a mis le café
Dans la tasse
Il a mis le lait
Dans la tasse de café
Il a mis le sucre
Dans le café au lait
Et il a reposé la tasse
Sans me parler
Il a allumé
Une cigarette
Il a fait des ronds
Avec la fumée
Il a mis les cendres
Dans le cendrier
Sans me parler
Sans me regarder
Il s'est levé
Il a mis
Son chapeau sur sa tête
Il a mis
Son manteau de pluie
Parce qu'il pleuvait
Et il est parti
Sous la pluie
Sans une parole
Sans me regarder
Et moi j'ai pris
Ma tête dans ma main
Et j'ai pleuré.

. UN BEAU MATIN

Il n'avait peur de personne
Il n'avait peur de rien
Mais un matin un beau matin
Il croit voir quelque chose
Mais il dit Ce n'est rien
Et il avait raison
Avec sa raison sans nul doute
Ce n' était rien
Mais le matin ce même matin
Il croit entendre quelqu'un
Et il ouvrit la porte
Et il la referma en disant Personne
Et il avait raison
Avec sa raison sans nul doute
Il n'y avait personne
Mais soudain il eut peur
Et il comprit qu'Il était seul
Mais qu'Il n'était pas tout seul
Et c'est alors qu'il vit
Rien en personne devant lui

Barbara

Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t'ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N'oublie pas

Un homme sous un porche s'abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t'es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m'en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j'aime
Même si je ne les ai vus qu'une seule fois
e dis tu à tous ceux qui s'aiment
Même si je ne les connais pas

Rappelle-toi Barbara
N'oublie pas
Cette pluie sur la mer
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l'arsenal
Sur le bateau d'Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu'es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d'acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara

Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n'est plus pareil et tout est abîmé
C'est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n'est même plus l'orage
De fer d'acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l'eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien

Les belles familles

Louis I
Louis II
Louis III
Louis IV
Louis V
Louis VI
Louis VII
Louis VIII
Louis IX
Louis X (dit le Hutin)
Louis XI
Louis XII
Louis XIII
Louis XIV
Louis XV
Louis XVI
Louis XVII
Louis XVIII
et plus personne plus rien...
qu'est-ce que c'est que ces gens-là
qui ne sont pas foutus
de compter jusqu'à vingt ?

Chanson des escargots qui vont à l’enterrement

A l'enterrement d'une feuille morte
Deux escargots  s'en vont
Ils ont la coquille noire
Du crêpe autour des cornes
Ils s'en vont dans le soir
Un très beau soir d'automne
Hélas quand ils arrivent
C'est déjà le printemps
Les feuilles qui étaient mortes
Sont toutes réssucitées
Et les deux escargots
Sont très désappointés
Mais voila le soleil
Le soleil qui leur dit
Prenez prenez la peine
La peine de vous asseoir
Prenez un verre de bière
Si le coeur vous en dit
Prenez si ça vous plaît
L'autocar pour Paris
Il partira ce soir
Vous verrez du pays
Mais ne prenez pas le deuil
C'est moi qui vous le dit
Ça noircit le blanc de l'oeil
Et puis ça enlaidit
Les histoires de cercueils
C'est triste et pas joli
Reprenez vous couleurs
Les couleurs de la vie
Alors toutes les bêtes
Les arbres et les plantes
Se mettent a chanter
A chanter a tue-tête
La vrai chanson vivante
La chanson de l'été
Et tout le monde de boire
Tout le monde de trinquer
C'est un très joli soir
Un joli soir d'été
Et les deux escargots
S'en retournent chez eux
Ils s'en vont très émus
Ils s'en vont très heureux
Comme ils ont beaucoup bu
Ils titubent un petit peu
Mais la haut dans le ciel
La lune veille sur eux.

Soyez Polis

Couronné d'étincelles

Un marchand de pierre à briquet

Elève la voix le soir

Dans les couloirs de la station Javel

Et ses grands écart de langage

Déplaisent à la plupart des gens

Mais la brûlure de son regard

Les rappelle à de bons sentiments

Soyez polis

Crie l'homme

Soyez polis avec les aliments

Soyez polis

Avec les éléments avec les éléphants

Soyez polis avec les femmes

Et avec les enfants

Soyez polis

Avec les gars du bâtiment

Soyez polis

Avec le monde vivant

. II

Il faut aussi être très poli avec la terre

Il faut les remercier le matin en se réveillant

Il faut les remercier pour la chaleur

Pour les arbres

Pour les fruits

Pour tout ce qui est bon à manger

Pour tout ce qui est beau à regarder

A toucher

Il faut les remercier

Il ne faut pas les embêter...

Les critiquer

Ils savent ce qu'ils ont à faire

Le soleil et la terre

Alors il faut les laisser faire

Ou bien ils sont capables de se fâcher

Et puis après

On est changé

En courge

En melon d'eau

Ou en pierre à briquet

Et on est bien avancé...

Le soleil est amoureux de la terre

Ça les regarde

C'est leur affaire

Et quand il y a des éclipses

Il n'est pas prudent ni discret de les regarder

Au travers de sales petits morceaux de verre fumé

Ils se disputent

C'est des histoires personnelles

Mieux vaut ne pas s'en mêler

Parce que

Si on s'en mêle on risque d'être changé

En pomme de terre gelée

Ou en fer à friser

Le Soleil aime la terre

La terre aime le soleil

Et elle tourne

Pour se faire admirer

Et le soleil la trouve belle

Et il brille sur elle

Et quand il est fatigué

Il va se coucher

Et la lune se lève

La lune c'est l'ancienne amoureuse du soleil

Mais elle a été jalouse

Et elle a été punie

Elle est devenue toute froide

Et elle sort seulement la nuit

Il faut aussi être très poli avec la lune

Ou sans ça elle peut vous rendre un peu fou

Et elle peut aussi

Si elle veut

Vous changer en bonhomme de neige

En réverbère

Ou en bougie

En somme pour résumer

Deux points ouvrez les guillemets

" Il faut que tout le monde soit poli avec le monde ou alors:

il y a des guerres ... des épidémies des tremblements de terre

des paquets de mer des coups de fusil ...

Et de grosses méchantes fourmis rouges qui viennent vous

   dévorer les pieds pendant qu'on dort la nuit. "

Texte narratif  du spectacle

extrait du texte « Enfance » dont vous pouvez trouver l’intégralité dans le recueil

« Choses et autres »

1906 Neuilly sur Seine….

.Souvent au bois ,un cerf traversait une allée .Un peu partout les gens mangeaient, buvaient, prenaient le café. Un ivrogne passait et hurlait : »dépêchez vous !mangez sur l’herbe, un jour ou l’autre, l’herbe mangera sur vous ! »…..

il y avait des gens qui faisaient la musique, qui chantaient , qui faisaient la fête, qui faisaient la gaité, et ceux qui, à voix basse, s’engueulaient autour de guéridon, étaient tout de même sous le charme et leurs injures ,leurs pauvres menaces, on aurait dit qu’il les chantaient……

Et puis Printania, un grand café concert en  plein air …et quand la nuit était belle le toit du théatre  s ‘en allait , les étoiles aussi pouvaient contempler le spectacle…des chanteurs. Il y en avait un qui était drôle comme tout .Et pourtant il était tout en noir triste, et avec une tête à pleurer tout le temps….

Il chantait : »J’ai la neurasthénie, c’est rigolo ,oh, oh »et tout le monde se tordait de rire ,même mon père .Pourtant il en avait lui,  de la neurasthénie.

« c’est à la mode, disait il mais je m »en passerais bien : la tristesse qui s’installe dans votre tête et qui va et vient ,là, comme chez elle »….

On allait aussi dans un petit chemin de fer au jardin d’Acclimatation…

Les plantes étaient grandes comme des arbres….Dans les serres, c’était toujours le silence ,même quand il y avait du monde.

Devant les bêtes ,les gens parlaient très fort…surtout devant les singes .Mais devant les plantes, ils se taisaient, comme dans les églises, et c’est à voix basse qu’ils lisaient les noms écrits en latin, sur de petites pancartes .Tout était vert , même la chaleur, et les gens n’étaient pas habitués…

Ce fut ma mère qui m’apprit à lire, puisqu’il fallait bien y passer. Avec un alphabet, bien sûr, mais surtout avec l’Oiseau Bleu, avec la Belle et la Bête…avec les Musiciens de la Ville de Brême

Comme toutes les plus belles filles du monde , ma mère avait aussi les plus beaux yeux et d’un bleu tellement bleuet tellement souriant .Des fois elle rougissait ou plutôt devenait toute rose et elle était comme les reines qu’on peint sur les tableaux …Mais elle était bien plus vivante qu’une actrice, tout ce qu’elle faisait était vrai…C’était une étoile de la vie…

Mon père et ma mère ne riaient pas autant ensemble mais ça se voyait qu’ils s’aimaient beaucoup…

Mon père ,lui, commentait les choses ,en tirait la « moralité » et comme je l’amusais ,le fâchais, le décevais et l’intriguais tout à la fois ,il m’expliquait, il me disait comment j’étais dans le fond .Ma mère ,jamais :elle me savait…

(Mon Père)Il travaillait à la « Providence »,une grande Compagnie d’assurance de Paris ,rue de Gramont, près de l’Opéra-Comique .Mais les accidents, les incendies, ça ne l’intéressait que médiocrement.

« Je fais en attendant »…mais il ne donnait aucune précision sur ce qu’il attendait

C’est le docteur  Tollmer qui nous soigne…

« C’est tout simple , le santé ..mais il faut la garder ,.sortir les enfants par n ‘importe quel temps et la teinture d’iode s’ils sont enrhumés :10 gouttes dans du lait ….Et puis bien entendu, l’huile de foie de morue… »

Ca il aurait mieux fait de se taire , le bon docteur Tollmer, mais on ne lui en veut pas puisqu’il soigne très bien papa qui « jouit d’une très délirante santé » :l’enthérite, les courbatures, la dépression nerveuse, la mélancolie.

« Freinez un peu le vélo ….et les appéritifs aussi ;un jour ou l’autre ,il faudra bien vous y décider. »…

…mon père hausse les épaules :  « Il est bien gentil avec sa mélancolie, sa neurasthénie .J’ai tout simplement le mal du pays, le mal de la Provence ! »

Peu de temps après il (mon père)demande un congé à la Providence…et prend le train pour le Pont du Gard où habite un de ses amis

Nous recevons des cartes postales du Pont du Gard…et quand il revient ,nous sommes très heureux de le revoir, d’autant plus qu’il nous dit très émus , combien nous lui avons manqué….

Et l’on partait ,nous aussi, en vacances .pas en Provence ,mais en Bretagne.

Les vacances, c’était pour mon frère ne plus aller à l’école ,pour mon frère ne plus aller à l’école, pour mon père échapper à la Providence, pour ma mère ,se reposer si elle le pouvait, pour moi c’était la mer…La mer , je courais après elle ,elle courait après moi ,tous les deux on faisait ce qu’on voulait .C’était comme dans les contes de fées :elle changeait les gens .A peine arrivés ,ils n’avaient plus la même couleur , ni la même façon de parler…on aurait des autres

Elle changeait aussi les choses et elle les expliquait .Avec elle, je savais l’horizon, le flux , le reflux ,le crépuscule, l’aube, le vent qui se lève ,le temps qui va trop vite et qui n ‘en finit plus… et un tas de choses qui me plaisaient et que, loin d’elle ,très vite, j’oubliais

Les vacances finies ,on rentrait et une fois mon père nous montra , par la portière, le petit village d’Ancenis.

« Regarde bien Ancenis ,et si tu ne l’as pas vu ,tu n’as rien perdu .Dans son petit séminaire, j’ai fait mes études, c’est l’endroit où j’ai le plus souffert de ma vie .Ils étaient odieux et cruels avec les enfants qui les aimaient pas .Maintenant , quand tu m’entendras crier me cauchemars, tu sauras ce qu’il y a dedans .Ta mère d’ailleurs, le sait depuis longtemps …car elle aussi.. »

« Oh moi ce n’est pas pareil. .je n ‘oublie pas , bien sûr, mais ça ne ma donne pas de mauvais rêves. »….

…..elle sort le chat Sigurd du panier, le prend dans ses bras .. ;comme un enfant

« si tu m’aimes ,Sigurd, remue l’oreille une fois. »

Et Sigurd remue l’oreille.

« Et Jacques.. ;si tu l’aimes, remues deux fois. »

Sigurd remue deux fois

« Et André ?Situ l’aimes ,remue l’oreille trois fois. »

et Sigurd ne remue pas l’oreille du tout.

Mon père hausse les épaules ,vexé ….

.. ; « n’est ce pas que tu l’aimes bien André et même que tu l’aimes beaucoup ? »

Et Sigurd remue les deux oreilles à toute vitesse comme un petit âne incommodé par les mouches .

J’ai mis longtemps à comprendre le truc et pourtant c’était d’une simplicité enfantine, un souffle ,un rien .Ma mère ,imperceptiblement ,soufflait sur l’oreille du chat en temps utile.

« Ta mère, c’est une fée »disait papa

C’est pour cela que j’avais peur, quand elle me lisait des contes, qu’elle disparaisse dans l’histoire comme les fées .. ;

…l’automne s ‘attardait un peu pour prolonger ses adieux, et c’était l’hiver avec ses histoires déchirantes de ramoneurs perdus dans la neige comme les pauvres à Paris dans les rues.

Ma mère attendait le printemps ;elle était soucieuse ….parce qu’elle attendait aussi un bébé en même temps .C’est pas grand ,un bébé, mais je me demandais comment il allait tenir la dedans …..Un jour,.. .ma mère se couche .Elle était pas bien , elle avait grossi un petit peu ,elle avait l’air fatiguée… ;tout autour du lit , les gens disaient :

« Qu’est ce que tu préfères ….qu’est ce que vous préférez ,une fille ou un garçon.. ,une fille ,ça vous changerait ! »

« pourquoi choisir d’avance » disait maman « je préférerai celui ou celle que j’aurai »

Moi , j’étais inquiet ,les nouveaux-nés me faisaient plutôt peur .Ceux que j’avais vus n’avaient pas l’air heureux, on aurait dit des petits vieux… Ceux que j’avais vus n’avaient pas l’air heureux, on aurait dit des petits vieux…. ;ils commençaient des, gestes, mais ne les finissaient pas, comme des jouets mécaniques dont on a perdu la  clé….

Un beau jour ,on dit toujours un beau jour ,mais celui là n’était pas plus beau que les autres , au contraire ,ma mère parut tout à coup plus malade qu’on me l’avait dit et mon père beaucoup plus nerveux que d’habitude .Il se disputait avec grand-mère Sophie qui nous racontait des histoires de choux, de cigognes…..Une grosse bonne femme traversait tout le temps l’appartement avec des seaux remplis de coton taché de sang.

C’était comme à l’hôpital , le jour des amygdales.

Et mos frère arriva…

…Pierre ,c’était le nom de mon petit frère, je trouvais que pour un nouveau-né ,il avait l’air plutôt jeune lui aussi…,et , que sans doute pour faire plaisir à ma mère, je déclarai que je l’aimerai beaucoup.

Plus tard , ce que j’avais dit devint vrai, mais je mis beaucoup de temps avant de m’en apercevoir.

Peu d temps après la naissance de mon frère, nous déménageons .c’est la première fois, ça m’amuse beaucoup lais mon père et ma  mère, pas du tout .Nous avons beaucoup d’ennuis , paraît il , et naturellement, comme toujours, des ennuis d’argent .Mais cette fois, il paraît que « ça dépasse les limites ».

« Plein la malle jusqu’au cadenas »dit papa.

Il a perdu sa situation .Il ne tenait pas tellement à elle et elle , sans doute ,pas davantage à lui…

…Nous habitons maintenant rue Jacques Dulud ,un petit rez de chaussée assez sombre…

…nous ne vivons plus pareil. Au café de l’Hotel-de-Ville, mon père y va de moins en moins souvent et quand il y va, boit beaucoup plus modestement…

…A la maison, on mange froid presque tous les jours .A moi ça me plait , j’aime beaucoup la charcuterie, les sardines à l’huile, le roquefort….

Et ma mère allait faire les courses tout comme mon pères allait au bar, à crédit….

…Mais ils avaient dire, beau chanter et rire, je savais qu’à la maison, il y avait quelque chose d’ abimé Heureusement que ma mère  m’a déjà appris à lire .Aujourd’hui , avec le bébé , elle n’aurait pas le temps.

Alors je lis et même , quand ça fait peur ou que ce n’est pas gai, ça m’empêche de penser à ce qui est triste pour de vrai.. Et puis , j’aime lire. J’en ai pris très vite l’habitude…

…Je n’aime pas « Les lettre  de mon moulin », je n’aime pas « le sous-prefet aux champs « qui faisait des vers en mâchonnant des violettes….

…Je préfère les autres , tous les autres, tous les livres des autres ….

…le soir, je lis très tard avec la veilleuse allumée…

Ainsi les nuits passaient très vite, sauf quand mon père , qui avait ses « cauchemars » me réveillait :

« Ne m’arrachez pas mes chaussettes, j’ai des engelures, ça m’écorche les pieds…Non ,je ne veux pas qu’on m’enferme dans un cabinet noir » Je ma levais , le secouais un peu, il se réveillait, m’embrasait, ou alors c’était lui qui sautait du lit et venait me raconter ses mauvais rêves pour s’en débarrasser…

Un beau jour….D’un coup de baguette magique, de magie noire disait papa, un sorcier à tête d’huissier était venu et tout avait disparu, sauf les lits, une table, la plus petite, quatre chaises, le berceau de Pierrot, ma ferme, mon cirque, mon cochon en carton et Sigurd.

Comme c’est grand maintenant chez nous, Sigurd  a toute la place pour sauter, courir, on se croirait au concours hippique et sur la petite table , on mange, mon frère fait ses devoirs et mon père écrit mais, heureusement , pas tout cela en même temps.

Ce que mon père écrit et sans arrêt, c’est seulement des enveloppes …. C’est toujours « en attendant »…

Un soir, rentrant fort tard, il annonce à maman que c’est chose faite et qu’il a trouvé… enfin  qu’on lui a fait une excellente proposition :

« Une porte ouverte , c’est un peu loin évidemment mais en plein soleil ! »…

A la gare de Lyon, un soir, nous prenons le train pour Toulon…..

Toulon…Je suis couché, il y a un docteur dans la chambre, ce n’est pas le docteur Tollmer, c’est un docteur avec une voix qui chante.

« Il va mieux , encore un peu de délire, je ne crois pas à une fièvre cérébrale, une insolation, un malaise passager. »

Mon père et ma mère parlent aussi et très loin, et dans ma tête une grosse pierre tourne, s’avance ,recule, s’en va et puis des chiffres arrivent, des chiffres qui se comptent tout seuls sans jamais s’arrêter.

Et puis tout ça s’en va . J’ai faim, j’ai soif et je me lève, je vais à la fenêtre…

C’est beau.Une grande place avec des platanes et puis des diligences comme en Amérique et leurs chevaux qui rêvent au soleil, un soleil très doux qui se promène doucement dans le vert des branches.

C’est la place Armand Vallée où nous habitons, au dessus du bistrot d’un hôtel, une chambre avec trois lits ,un papier peint tout déchiré et des petits cancrelats qui trottent sur une carpette usée. J’entre en convalescence, pas une grande, ça dure à peine deux jours.

Et l’hiver venait .Au bureau de l’hôtel, en buvant un verre qu’il faisait marquer, mon père demandait s’il n’y avait pas une lettre pour lui.

« Pas de courrier » répondait l’hôtelier.

« C’est gai », disait mon père…

Une fois , il reçut un télégramme , le regarda longtemps, but un verre, puis un autre, déchira le télégramme et le jeta au vent, sans le lire.

« mon petit, les télégrammes , c’est toujours des mauvaises nouvelles. »

…. L’hiver avait beau s’annoncer radieusement, l’hôtelier devenait de moins en moins aimable et ma mère semblait quelquefois gagnée par la tristesse de mon père.

….Un soir ,mon père m’emmena sur le quai Cronstadt et , ce soir-là, le quai était désert et froid et mon père était si désemparé que le petit clapotis de la mer , on aurait dit qu’il fredonnait une chanson triste, un mauvais air.

« Mon petit, à force de tirer la corde , elle finit par casser , eu bout du fossé la culbute, et j’en passe .Je vous aimais trop ou pas assez. Moi parti, ON s’occupera de vous et ça leur servira de leçon. »

« T’es fou ,papa ? »

« Ton père c’est comme un chien abandonné , adieu mon petit. Je vais me fiche à l’eau. Surtout n’oublie pas de dire à ta mère que je l’ai beaucoup aimée. »…

« Allons papa, fais pas de bêtise. »

« Je n’ai pourtant rien bu ».. ;

« J’ai pas dit ça, allez, rentrons. »

Et j’emmène mon père par la main comme un père emmène son petit garçon.

A l’hôtel ,mon père s’arrête un instant au comptoir et je raconte à ma mère cette pauvre histoire…..

« N’aie pas peur, il m’a déjà à fait le coup à moi aussi….

Le lendemain, au un autre jour …,mon père reçoit une lettre recommandée.

« Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ? »

« Ni bonne ni mauvaise, une bouée de sauvetage de rien du tout !…mais ça vaut tout de même mieux qu’une pierre au cou …Demain, nous rentrons à Paris »

Paris , 1907.

Dès notre arrivée, nous allons dans un petit hôtel proche de la gare

« On ne pouvait aller plus loin » dit ma mère.

« Ni descendre plus bas » dit papa en nous quittant.

L’hôtel est sale et gris, mais le poêle est tout rouge et les gens qui se chauffent autour sont tous gentils  ma mère et aux petits soins pour elle , car avec Pierrot, elle ne peut rester dans la chambre qui n’est pas chauffée .Moi je vais me promener dans la gare et tout autour.

A paris ,il y a beaucoup plus de bruit qu’ à Toulon et tout va si vite, tout est si froid, qu’en courant je rentre à l’hôtel où un peu plus tard , mon père arrive à son tour et nous dit …sans le moindre enthousiasme…  qu’il a ….trouvé une situation

« Dans les assurances ? »

« Non , 175 Boulevard Saint Michel où ton grand père est , si tu l’a oublié, Président de l’Office Central des Pauvres de Paris. »

« Qu’est ce que tu feras comme travail ? »

« J’irai visiter les pauvres pour savoir s’ils méritent qu’on leur vienne en aide . »

Rue de Vaugirard , près de l’Odéon.

C’est tout en haut notre logement …l’eau et le reste c’est sur l’escalier ; là on rencontre tout le temps les voisins ,comme ça on sait qui c’est.

…nos fenêtres donnent sur le ciel, l’une d’elles sur la cour de l’école…

Non ,c’est pas terrible l’école….C’est comme les copains m’ont raconté :on est assis toute la journée, on n’a pas le droit de bouger ,on guette les heures et on les écoute sonner.

Tout à fait comme les problèmes qu’on me posera un peu plus tard à la leçon d’arithmétique :

« Un élève entre en classe à 8 h 30 , en sort à 11 h 30, revient à 1 heure et s’en va à 4 heures. Combien de minutes s’est il ennuyé ? »

On peut soustraire les chansons des rues, la pluie et la grêle …et même , bien souvent la bonne humeur du maître ça fait tout de même un bon petit bout de temps ,les mains sur la table ou les bras croisés .Alors , j’attendais, j’attendais  …4 heures

Le jeudi , j’accompagnais souvent papa qui « allait faire ses enquêtes »….on allait voir les pauvres…

On allait partout , on entrait partout  comme à la fête, mais une grande fête triste, sans  musique et qui n’en finissait jamais…mais c’était toujours les rues des  quartiers les plus pauvres qui avaient les plus jolis noms ;la rue de la Chine ,la rue du Chat-qui-Pêche , la rue aux ours, la rue du Soleil ,la rue du Bois Doré…C’était sûrement les pauvres qui les avaient trouvé s , ces noms, pour embellir les choses.

Des fois, je restais dehors et même un jour , dans la rue des Alouettes, un gros chien m’a mordu les fesses.Ca , avec le jour où un grand bélier à Ville d’Avray , m’a fichu dans un étang, ce n’était pas un souvenir heureux….Quand parfois j’accompagnais mon père, ce n’était très agréable non plus  et , à côté, nos deux pièces à Paris me semblaient un palais.

Ce n’était pas comme au cinéma du Panthéon ,où nous allions toutes les semaines tous ensemble, puisqu’on emmenait Pierrot :qui l’aurait gardé !……

Derrière l’écran, il y avait un homme qui faisait tous les bruits  avec un petit attirail qui n’avait l’air de rien :des grelots, des papiers de verre, un sifflet ,un révolver , des marteaux ;et c’était l’orage, le vent et la mer ou le chant des oiseaux ….Le dimanche , quand c’atait un film de Far-West, un acteur, habillé en cow-boy, racontait le film en balançant son lasso. Une fois, pendant « Le Massacre », un film terrible où les indiens tuaient tous les soldats réfugiés derrière leurs chariots, la musique ,le bruit, les coups de feu, ça faisait un tel vacarme que les spectateurs mécontents hurlaient qu’ils ne voyaient plus rien….

En face de l’école , il y avait un bouquiniste où on trouvait un tas de choses : »Rifle d’or », « Morgan le pirate », « Texas Jack » et surtout , « Sitting Bull » que j’aimais beaucoup parce qu’il était indien et que les Indiens, c’était eux qui étaient dans leur droit, comme les noirs dans « La case de l’oncle Tom »…

Comme je fouillais  à l’étalage ,un jour je vis arriver des Américains :une petite fille, un petit garçon, avec leurs parents. Ils n’étaient pas habillés comme dans les films du Far-West mais leur père , ….était coiffé d’un véritable chapeau cow-boy, un Stetson , la marque était dedans.

Ils restèrent fort peu de temps mais , tout de suite on était devenu de grands amis.

Aujourd’hui ,ils sont loin , les « Américains »…Mais je peux m’arrêter dans cette rue , ils sont toujours là dans l’aujourd’hui de ce temps là, et chantent , et rient, disent au revoir et bonjour, à demain, et toujours en américain ,, avec la même couleur , la même fraîcheur et la  et la même ardeur .Et les chaises qu’on traînait par terre , dans les allées du Luxembourg, les déserts de l’Arizona, je pourrais encore suivre leur trace comme on retrouve un air sur un vieux disque aux sillons effacés.

Un soir, la pluie commençait à tomber ;je venais de quitter mes amis et , assis sur le trottoir malgré cette pluie , j’avais envie de pleurer.

Elle n’y était pour rien la pluie, mais je n’étais pas content de ma journée , je trouvais que la petite fille c’était une petite fille pour jouer, pour rire, mais pas comme souvent je rêvais , une petite fille à aimer….

De temps à autre, cela m’arrivait déjà de réfléchir, de causer avec moi , quand j’étais tout seul et par la suite , en grandissant , cela devint de plus en plus fréquent et quelquefois c’était très drôle, mais rarement ;

Beaucoup plus tard, j’avais dix ans , onze ans peu être, avec un billet de quai, j’entrai  dans les splendides souterrains de la gare d’Orsay, ….qui menaient en Bretagne , unique pays qui m’attirait

La musique du départ était belle  avec le charbon, les sifflets , la ferraille , mais je ne rêvais pas de partir tout seul ; j’aurais voulu emmener avec moi ceux que j’aimais  et avec qui j’étais parti la première fois….

Le train partait.

Les derniers voyageurs  arrivaient en courant avec des gestes essoufflés , une valise au bout du bras , et qui gesticulaient. Et voilà déjà le train un peu loin, comme un gibier manqué, et l’homme reste là avec sa valise tremblante, sur le quai .J’aurais dû l’aider, j’aurais dû courir avec lui, lui porter sa valise, rattraper l’heure, le temps, la lumière rouge disparue, l’espoir s’en est allé . J’avais les larmes aux .Et puis l’homme passa devant moi . Je le regardai . Et soudain, le plus simplement, le plus terriblement du monde , je compris (si comprendre veut dire cde qu’il veut dire)je compris qu’avec le train quelque chose de moi avait été emporté.

Cet homme , dans le fond , comme aurait dit mon père, je m’en fichais pas mal, mais ça m’embêtais ,c’était pas simple .Je me parlais comme on se parle d’homme à homme , de petit garçon à petit garçon ….

Et je rentrai .Avais-je appris sans le savoir l’  « indifférence » à qui si souvent ,je devais avoir recours plus tard .

Mais la rue était pareille , quand je rentrai à la maison , et  la maison semblable à la rue,….avec .. ;mon père, ma mère, mes frères, les chats , l’oiseau, le vin sur la table, le couvert mis pour pas grand chose. Ils ne me demandèrent pas ce que j’avais , d’où je venais .

C’étaient les « miens ».Ils me savaient tristes et ne cherchaient  qu’à me changer les idées.

Je les regardais, je les aimais .Ils m’aimaient et me regardaient .Enfin ,on se regardait

Ce jour là, je les aimais peut être davantage, mais j’étais dans un autre paysage .

24 mars 2007

Textes Prévert 5èmes

 Familiale

La mère fait du tricot
Le fils fait la guerre
Elle trouve ça tout naturel la mère
Et le père qu’est-ce qu’il fait le père ?
Il fait des affaires
La femme fait du tricot
Son fils la guerre
Lui des affaires
Il trouve ça tout naturel le père
Et le fils et le fils
Qu’est-ce qu’il trouve le fils ?
Il ne trouve rien absolument rien le fils
Le fils de sa mère fait du tricot son père des affaires lui la guerre
Quand il aura fini la guerre
Il fera des affaires avec son père
La guerre continue la mère continue elle tricote
Le père continue il fait des affaires
Le fils est tué il ne continue plus
Le père et la mère vont au cimetière
Ils trouvent ça naturel le père et la mère
La vie continue la vie avec le tricot la guerre les affaires
Les affaires la guerre le tricot la guerre
Les affaires les affaires les affaires
La vie avec le cimetière

LE CANCRE

Il dit non avec la tête
mais il dit oui avec le coeur
il dit oui à ce qu'il aime
il dit non au professeur
il est debout
on le questionne
et tous les problèmes sont posés
soudain le fou rire le prend
et il efface tout
les chiffres et les mots
les dates et les noms
les phrases et les pièges
et malgré les menaces du maître
sous les huées des enfants prodiges
avec des craies de toutes les couleurs
sur le tableau noir du malheur
il dessine le visage du bonheur

 

 

Chanson pour les enfants l’hiver

Dans la nuit de l’hiver

galope un grand homme blanc

galope un grand homme blanc

C’est un bonhomme de neige

avec une pipe en bois

un grand bonhomme de neige

poursuivi par le froid

Il arrive au village

il arrive au village

voyant de la lumière

le voilà… rassuré‚   

Il arrive au village

il arrive au village

Dans une petite maison

il entre sans frapper

Dans une petite maison

il entre sans frapper

et pour se réchauffer

et pour se réchauffer

s’assoit sur le poêle rouge

et d’un coup disparaît

ne laissant que sa pipe

au milieu d’une flaque d’eau

ne laissant que sa pipe

et puis son vieux chapeau...

Chanson des escargots qui vont à l’enterrement

A l'enterrement d'une feuille morte
Deux escargots  s'en vont
Ils ont la coquille noire
Du crêpe autour des cornes
Ils s'en vont dans le soir
Un très beau soir d'automne
Hélas quand ils arrivent
C'est déjà le printemps
Les feuilles qui étaient mortes
Sont toutes réssucitées
Et les deux escargots
Sont très désappointés
Mais voila le soleil
Le soleil qui leur dit
Prenez prenez la peine
La peine de vous asseoir
Prenez un verre de bière
Si le coeur vous en dit
Prenez si ça vous plaît
L'autocar pour Paris
Il partira ce soir
Vous verrez du pays
Mais ne prenez pas le deuil
C'est moi qui vous le dit
Ça noircit le blanc de l'oeil
Et puis ça enlaidit
Les histoires de cercueils
C'est triste et pas joli
Reprenez vous couleurs
Les couleurs de la vie
Alors toutes les bêtes
Les arbres et les plantes
Se mettent a chanter
A chanter a tue-tête
La vrai chanson vivante
La chanson de l'été
Et tout le monde de boire
Tout le monde de trinquer
C'est un très joli soir
Un joli soir d'été
Et les deux escargots
S'en retournent chez eux
Ils s'en vont très émus
Ils s'en vont très heureux
Comme ils ont beaucoup bu
Ils titubent un petit peu
Mais la haut dans le ciel
La lune veille sur eux.

 

a) Les belles familles

Louis I
Louis II
Louis III
Louis IV
Louis V
Louis VI
Louis VII
Louis VIII
Louis IX
Louis X (dit le Hutin)
Louis XI
Louis XII
Louis XIII
Louis XIV
Louis XV
Louis XVI
Louis XVII
Louis XVIII
et plus personne plus rien...
qu'est-ce que c'est que ces gens-là
qui ne sont pas foutus
de compter jusqu'à vingt
?
Les animaux ont des ennuis

Le pauvre crocodile n’a pas de C cédille

On a volé les ailes de la pauvre grenouille

Le poisson scie a des soucis

Le poisson sol ça le désole

Mais tous les oiseaux ont des ailes

Même le vieil oiseau bleu

Même la grenouille verte

Elle a deux L avant l’E

 

Laissez les oiseaux à leur mère

Laissez les ruisseaux dans leur lit

Laissez les étoiles de mer

Sortir si ça leur plait la nuit

Laissez les p’tits enfants briser leur tirelire

Laissez passer le café si ça lui fait plaisir

La vieille armoire normande

Et la vache bretonne

Sont parties dans la lande

En riant comme deux folles

Les petits veaux abandonnés

Pleurent comme des veaux abandonnés

Car les petits veaux n’ont pas d’ailes

Comme le vieil oiseau bleu

Ils ne possèdent à eux deux

Que quelques pattes et deux queues

Laissez les oiseaux à leur mère

Laissez les ruisseaux dans leur lit

Laissez les étoiles de mer

Sortir si ça leur plait la nuit

Laissez les éléphants ne pas apprendre à lire

Laissez les hirondelles aller et revenir

 

 

24 mars 2007

Poésie lyrique et poesie engagée

Poésie et engagement : un apparent paradoxe

 

1. Qu ‘appelle-t-on engagement ?

Politique / conscience de faire partie d’un groupe/ faire changer les choses/ émotions : colère, dégoût, révolte.

2. Poesie : un genre littéraire qui convient à l’expression de l’engagement ?

La poésie est un genre littéraire généralement associé au repli sur soi, à la rêverie, aux sentiments amoureux….

La poésie engagée, poésie de révolte, poésie de combat, ne parle pas d'amour ni de tendresse, du moins en apparence... Chez elle, pas de petites fleurs ni de  sentiments mélodieux. Juste un cri. Simplement des mots qui s'insurgent et qui tout à coup nous font penser.

Et pourtant, la poésie engagée parle d'amour. Elle  n'a de cesse que de crier son envie  d'humanité, d'enfance ou  de paix.

Mais elle sait dire aussi sa  haine de  la guerre et de  la bêtise humaine.

La connaissance du contexte historique est nécessaire dans le cadre d’une poésie de l’engagement.

3. Anthologie :

-Incontournable : Victor Hugo,

Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?
Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules
Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement
.
Accroupis sous les dents d'une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.
Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu: - Petits comme nous sommes,
Notre père, voyez ce que nous font les hommes !
Ô servitude infâme imposée à l'enfant !
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu'a fait Dieu ; qui tue, oeuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les coeurs la pensée,

Et qui ferait - c'est là son fruit le plus certain ! -
D'Apollon un bossu, de Voltaire un crétin !
Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil !

Progrès dont on demande : Où va-t-il ? que veut-il ?
Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme,
Une âme à la machine et la retire à l'homme !
Que ce travail, haï des mères, soit maudit !
Maudit comme le vice où l'on s'abâtardit,
Maudit comme l'opprobre et comme le blasphème !
Ô Dieu ! qu'il soit maudit au nom du travail même,
Au nom du vrai travail, sain, fécond, généreux,
Qui fait le peuple libre et qui rend l'homme heureux !

 

Victor Hugo. Les contemplations.

 

-Boris Vian, évidemment (voir texte joint précédemment)

 

 
 

  Éléments d'explication du déserteur de   Boris Vian

 

 

 

« Le Déserteur » de Boris Vian est, à bien des   égards, un texte emblématique de la poésie française engagée. Cette chanson   populaire, publiée en 1955 dans le douloureux contexte de la guerre   d'Algérie, constitue d'abord un authentique chant de protestation. Elle est   aussi le symbole de la liberté d'expression en butte à la censure et aux   carcans de l'ordre établi.

 

 

La situation   d'énonciation.

 

 

Ce poème, conçu dans le climat de contestation   larvée qui suivit le déclenchement de la guerre d'Algérie, se présente comme   la prise de parole d'un jeune homme insoumis. L'énonciateur, qui s'exprime à   la première personne, affirme

 

 

             
   

                                                                                                                 

   

                                                    

   
 

 

Le refus de « Partir à la guerre » est motivé   par des raisons idéologiques et personnelles.

 

 

 

 

             
   

                                                                                                                 

   

                                                    

   
 

 

 

 

 

 

• Les destinataires.

 

 

 

Le poème de Boris Vian tire une partie de sa   charge émotionnelle de la simplicité avec laquelle « le déserteur » s'adresse   au plus haut responsable de l'État.

 

 

 

             
   

   

                                                                                                                 

   

                                                    

   
 

 

 

 

  Il renonce au respect emphatique qui   sied à un destinataire de cette envergure.

 

Un lecteur attentif aura sans doute remarqué   que la dixième strophe du poème manifeste un changement de destinataire .

 

 

 

 

             
   

                                                                                                                 

   

                                                    

   
 

 

 

 

. S'affirme alors clairement la visée du   discours : avec « Le Déserteur », Boris Vian affirme moins sa volonté de   refuser que celle d'amener autrui à le faire.

 

 

 

• Un poème "simple"

 

 

 

Cet appel à la conscience du destinataire est   d'autant plus marquant que le texte se présente sous la forme

 

 

 

 

             
   

                                                                                                                 

   

                                                    

   
 

 

 

 

La simplicité du langage poétique,

 

 

 

             
   

                                                                                                                 

   

                                                    

   
 

 

 

 

 

 

    Ce texte troué constitue une explication du poème de Boris Vian. Elle é été écrite par un professeur.

 

-Proudhon, un homme engagé avant de donner son nom à des rues…

 

Être gouverné, c'est être gardé à vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré, réglementé, parqué, endoctriné, prêché, contrôlé, estimé, apprécié, censuré, commandé, par des êtres qui n'ont ni le titre, ni la science, ni la vertu. Être gouverné, c'est être à chaque opération, à chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, coté, cotisé, patenté, licencié, autorisé, apostillé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé. C'est, sous prétexte d'utilité publique, et au nom de l'intérêt général, être mis à contribution, exercé, rançonné, exploité, monopolisé, contusionné, pressuré, mystifié, volé; puis, à la moindre résistance, au premier mot de la plainte, réprimé, amendé, vilipendé, vexé, traqué, houspillé, assommé, désarmé, garrotté, emprisonné, fusillé, mitraillé, jugé, condamné, déporté, sacrifié, vendu, trahi, et pour comble, joué, berné, outragé, déshonoré. Voilà le gouvernement, voilà sa justice, voilà sa morale !

O personnalité humaine ! Se peut-il que pendant soixante siècles tu aies croupi dans cette abjection?

 

Pierre Joseph Proudhon

 

-Césaire, poète de l’Afrique

 

Les Blancs disent…

 

Les Blancs disent que c'était un bon nègre, un vrai bon nègre, le bon nègre à son bon maître.

Je dis hurrah !

C'était un très bon nègre,

la misère lui avait blessé poitrine et dos et on avait fourré dans sa pauvre cervelle qu'une fatalité pesait sur lui qu'on ne prend pas au collet 1 ; qu'il n'avait pas puissance sur son propre destin ; qu'un Seigneur méchant avait de toute éternité écrit des lois d'interdiction en sa nature pelvienne2 ; et d'être le bon nègre ; de croire honnêtement à son indignité, sans curiosité perverse de vérifier jamais les hiéroglyphes fatidiques3.

 

C'était un très bon nègre

 

et il ne lui venait pas à l'idée qu'il pourrait houer4, fouir5, couper tout, tout autre chose vraiment que la canne insipide

C'était un très bon nègre.

Et on lui jetait des pierres, des bouts de ferraille, des tessons de bouteille, mais ni ces pierres, ni cette ferraille, ni ces bouteilles... O quiètes années de Dieu sur cette motte terraquée6!

et le fouet disputa au bombillement des mouches la rosée sucrée de nos plaies.

Je dis hurrah ! La vieille négritude7

progressivement se cadavérise

l'horizon se défait, recule et s'élargit

et voici parmi des déchirements de nuages la fulgurance d'un signe

 

le négrier8 craque de toute part... Son ventre se convulsé et résonne... L'affreux ténia de sa cargaison ronge les boyaux fétides de l'étrange nourrisson des mers!

 

Et ni l'allégresse des voiles gonflées comme une poche de doublons rebondie, ni les tours joués à la sottise dangereuse des frégates policières ne l'empêchent d'entendre la menace de ses grondements intestins.

 

Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal, éd. Présence africaine, 1947.

 

Vocabulaire

 

1. Prendre au collet : arrêter.

2. Nature pelvienne : ici, de génération en génération.

3. Hiéroglyphes fatidiques: écriture sacrée et mystérieuse annonçant le destin, allusion à une interprétation du texte biblique qui maudirait les Noirs.

4.Houer: labourer avec la houe.

5. Fouir: creuser, surtout en parlant des animaux.

6.Terraquée: composée de terre et d'eau.

7. Négritude: ensemble des caractères, des manières de penser, de sentir, propres aux peuples noirs.

8. Négrier: vaisseau qui transportait les esclaves noirs.

 

-Franc -Comtois, rend-toi, nenni ma foi…

 

A Besançon

Au début des années 70, les ouvriers et les ouvrières de l'entreprise d'horlogerie Lip, à Besançon, entrent dans un long combat syndical, pour éviter la fermeture de leur usine.

 

A Besançon, cette année-là, un millier d'hommes et de femmes se sont levés

Est-ce qu'on fait des vers avec l'actualité immédiate

Poète, est-ce ton rôle de témoigner pour le feu qui naît

Est-ce qu'on peut écrire des chansons sur ces femmes

Qui se sont mises en dimanche pendant huit mois parce qu'il fallait

Montrer qu'on était des gens respectables

Et que la grève ce n'est pas le laisser-aller mais la rigueur

 

Tu fais donc des vers avec la dignité des autres

Poète, depuis ta chambre parmi tes bouquins

Est-ce qu'il est digne de saluer la classe ouvrière

De loin quand peut-être tes vers elle n'y comprendra rien

 

II va bien falloir s'y résoudre

L'étincelle ce n'est pas moi

Je vais de ville en ville

Je porte le feu je suis le sang

 

O jeunes femmes qui descendiez sur Besançon

Cette année-là vers le quinze août en portant comme un sacrifice

Vos clameurs car c'était la première fois et vous aviez un peu peur

Je reste au bord de vous, timide, n'osant rien faire

Est-ce qu'on peut faire des vers avec la gravité de vos gestes et votre honneur

 

Vous vous êtes mis debout. Soudain vous étiez devenus l'espoir du monde

L'espoir du monde, vous, petite dame coquette et sans histoires sans passion

Le premier jour l'un de vous a dit : la grève sera longue

C'est avec les pieds dans la neige que nous finirons

C'est donc facile de faire des vers sur le courage et sur la peur

 

On fait des vers avec l'espoir avec la vie

Avec les ongles qui s'accrochent au réel

Avec des mots qui m'ont été soufflés cet hiver

À Besançon parce que le vent souffle dans le dos du poète

Et le crible de mots qui ne lui appartiennent pas.

 

Jacques Bertin, «Plain-chant, Pleine page», Chansons et Poèmes, 1968-1992, éd. Arléa-Velen, 1992.

 

Autres poèmes de révolte

   
 

Liberté

 

 

 

Sur mes cahiers d'écolier

 

Sur mon pupitre et les arbres

 

Sur le sable sur la neige

 

J'écris ton nom

 

 

 

Sur toutes les pages lues

 

Sur toutes les pages blanches

 

Pierre sang papier ou cendre

 

J'écris ton nom

 

 

 

Sur la jungle et le désert

 

Sur les nids et les genêts

 

Sur l'écho de mon enfance

 

J'écris ton nom

 

 

 

Sur les merveilles des nuits

 

Sur le pain blanc des journées

 

Sur les saisons fiancées

 

J'écris ton nom

 

 

 

Sur tous mes chiffons d'azur

 

Sur l'étang soleil moisi

 

Sur le lac lune vivante

 

J'écris ton nom

 

 

 

Sur les champs sur l'horizon

 

Sur les ailes des oiseaux

 

Et sur le moulin des ombres

 

J'écris ton nom

 

 

 

Sur chaque bouffée d'aurore

 

Sur la mer sur les bateaux

 

Sur la montagne démente

 

J'écris ton nom

 

 

 

Sur la mousse des nuages

 

Sur les sueurs de l'orage

 

Sur la pluie épaisse et fade

 

J'écris ton nom

 

 

 

Sur les formes scintillantes

 

Sur les cloches des couleurs

 

Sur la vérité physique

 

J'écris ton nom

 

 

Sur les sentiers éveillés

 

Sur les routes déployées

 

Sur les places qui débordent

 

J'écris ton nom 

 

 

 

 
 

 

 

 

 

Sur la lampe qui s'allume

 

Sur la lampe qui s'éteint

 

Sur mes mains réunies

 

J'écris ton nom

 

 

 

Sur le fruit coupé en deux

 

Du miroir de ma chambre

 

Sur mon lit coquille vide

 

J'écris ton nom

 

 

 

Sur mon chien gourmand et tendre

 

Sur ses oreilles dressées

 

Sur sa patte maladroite

 

J'écris ton nom

 

 

 

Sur le tremplin de ma porte

 

Sur les objets familiers

 

Sur le flot du feu béni

 

J'écris ton nom

 

 

 

Sur toute chair accordée

 

Sur le front de mes amis

 

Sur chaque main qui se tend

 

J'écris ton nom

 

 

 

Sur la vitre des surprises

 

Sur les lèvres attentives

 

Bien au-dessus du silence

 

J'écris ton nom

 

 

 

Sur mes refuges détruits

 

Sur mes phares écroulés

 

Sur les murs de mon ennui

 

J'écris ton nom

 

 

 

Sur l'absence sans désir

 

Sur la solitude nue

 

Sur les marches de la mort

 

J'écris ton nom

 

 

 

Sur la santé revenue

 

Sur le risque disparu

 

Sur l'espoir sans souvenir

 

J'écris ton nom

 

 

 

Et par le pouvoir d'un mot

 

Je recommence ma vie

 

Je suis né pour te connaître

 

Pour te nommer

 

 

 

Liberté…

 

 

Paul Éluard (1895 -1952) Poésie et Vérité,   1942,

 

 

 

 
 

L'affiche rouge

 

Louis Aragon, Le   Roman inachevé, 1956

 

 

 

Vous n'avez réclamé ni gloire ni les larmes

 

Ni l'orgue ni la prière aux agonisants

 

Onze ans déjà que cela passe vite onze ans

 

Vous vous étiez servis simplement de vos armes  

 

La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans

 

 

 

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos   villes

 

Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants

 

L'affiche qui semblait une tache de sang

 

Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles

 

Y cherchait un effet de peur sur les passants

 

 

 

Nul ne semblait vous voir Français de   préférence

 

Les gens allaient sans yeux pour vous le jour   durant

 

Mais à l'heure du couvre-feu des doigts   errants

 

Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA   FRANCE

 

Et les mornes matins en étaient différents

 

 

 

Tout avait la couleur uniforme du givre

 

A la fin février pour vos derniers moments

 

Et c'est alors que l'un de vous dit calmement

 

Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont   survivre

 

Je meurs sans haine en moi pour le peuple   allemand

 

 

 

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses

 

Adieu la vie adieu la lumière et le vent

 

Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent  

 

Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses  

 

Quand tout sera fini plus tard en Erivan

 

 

 

Un grand soleil d'hiver éclaire la colline

 

Que la nature est belle et que le cœur me fend  

 

La justice viendra sur nos pas triomphants

 

Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline

 

Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant

 

 

 

Ils étaient vingt et trois quand les fusils   fleurirent

 

Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le   temps

 

Vingt et trois étrangers et nos frères   pourtant

 

Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir

 

Vingt et trois qui criaient la France en   s'abattant

 

 

 

Et pour terminer, quatre poèmes qui dénoncent à la fois les militaires et les horreurs de la guerre.

       
 

 

Le dormeur du val

 

C'est   un trou de verdure où chante une rivière
  Accrochant follement aux herbes des haillons
  D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
  Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
 
  Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
  Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
  Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
  Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
 
  Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
  Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
  Nature, berce-le chaudement : il a froid.
 
  Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
  Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
  Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
 
  Rimbaud Octobre 1870.

 

 

 
 

 

Pater Noster

 

Notre Père qui êtes   aux cieux
  Restez-y
  Et nous nous resterons sur la terre
  Qui est quelquefois si jolie
  Avec ses mystères de New York
  Et puis ses mystères de Paris
  Qui valent bien celui de la Trinité
  Avec son petit canal de l'Ourcq
  Sa grande muraille de Chine
  Sa rivière de Morlaix
  Ses bêtises de Cambrai
  Avec son Océan Pacifique
  Et ses deux bassins aux Tuileries
  Avec ses bons enfants et ses mauvais sujets
  Avec toutes les merveilles du monde
  Qui sont là
  Simplement sur la terre
  Offertes à tout le monde
  Éparpillées
  Émerveillées elles-même d'être de telles merveilles
  Et qui n'osent se l'avouer
  Comme une jolie fille nue qui n'ose se montrer
  Avec les épouvantables malheurs du monde
  Qui sont légion
  Avec leurs légionnaires
  Aves leur tortionnaires
  Avec les maître de ce monde
  Les maître avec leurs prêtres leurs traîtres et leurs reîtres
  Avec les saisons
  Avec les années
  Avec les jolies filles et avec les vieux cons
  Avec la paille de la misère pourrissant dans l'acier des canons

 

Prévert 

 

 

 
 

BARBARA

 

Rappelle-toi Barbara
  Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
  Et tu marchais souriante
  Épanouie ravie ruisselante
  Sous la pluie
  Rappelle-toi Barbara
  Il pleuvait sans cesse sur Brest
  Et je t'ai croisée rue de Siam
  Tu souriais
  Et moi je souriais de même
  Rappelle-toi Barbara
  Toi que je ne connaissais pas
  Toi qui ne me connaissais pas
  Rappelle-toi
  Rappelle-toi quand même ce jour-là
  N'oublie pas
  Un homme sous un porche s'abritait
  Et il a crié ton nom
  Barbara
  Et tu as couru vers lui sous la pluie
  Ruisselante ravie épanouie
  Et tu t'es jetée dans ses bras
  Rappelle-toi cela Barbara
  Et ne m'en veux pas si je te tutoie
  Je dis tu à tous ceux que j'aime
  Même si je ne les ai vus qu'une seule fois
  Je dis tu à tous ceux qui s'aiment
  Même si je ne les connais pas
  Rappelle-toi Barbara
  N'oublie pas
  Cette pluie sage et heureuse
  Sur ton visage heureux
  Sur cette ville heureuse
  Cette pluie sur la mer
  Sur l'arsenal
  Sur le bateau d'Ouessant
  Oh Barbara
  Quelle connerie la guerre
  Qu'es-tu devenue maintenant
  Sous cette pluie de fer
  De feu d'acier de sang
  Et celui qui te serrait dans ses bras
  Amoureusement
  Est-il mort disparu ou bien encore vivant
  Oh Barbara
  Il pleut sans cesse sur Brest
  Comme il pleuvait avant
  Mais ce n'est plus pareil et tout est abîmé
  C'est une pluie de deuil terrible et désolée
  Ce n'est même plus l'orage
  De fer d'acier de sang
  Tout simplement des nuages
  Qui crèvent comme des chiens
  Des chiens qui disparaissent
  Au fil de l'eau sur Brest
  Et vont pourrir au loin
  Au loin très loin de Brest
  Dont il ne reste rien.

 

Jacques Prévert  Paroles

 

 

 
 

Le   Déserteur   

 

(Renaud Séchan a écrit   ici une adaptation du poème de Boris Vian . Il l'actualise en le situant dans   les années 1980. .. Mais depuis l'an 2000, le service militaire obligatoire a   été aboli. Les chansons ont une histoire...)

 

 

 

                 
   

Monsieur     le président
    Je vous fais une bafouille
    Que vous lirez sûrement
    Si vous avez des couilles
    Je viens de recevoir
    Un coup d' fil de mes vieux
    Pour m' prévenir qu' les gendarmes
    S'étaient pointés chez eux
    J'ose pas imaginer
    C' que leur a dit mon père
    Lui, les flics, les curés
    Et pis les militaires
    Les a vraiment dans l' nez
    P't-être encore plus que moi
    Dès qu'il peut en bouffer
    L' vieil anar' y s' gêne pas
    L' vieil anar' y s' gêne pas

   

Alors     y parait qu'on m' cherche
    Qu' la France a besoin d' moi
    C'est con, j' suis en Ardèche
    Y fait beau, tu crois pas
    J' suis là avec des potes
    Des écolos marrants
    On a une vieille bicoque
    On la retape tranquillement
    On fait pousser des chèvres
    On fabrique des bijoux
    On peut pas dire qu'on s' crève
    L' travail, c'est pas pour nous
    On a des plantations
    Pas énormes, trois hectares
    D'une herbe qui rend moins con
    Non, c'est pas du Ricard
    Non, c'est pas du Ricard

   

Monsieur     le président
    Je suis un déserteur
    De ton armée de glands
    De ton troupeau d' branleurs
    Ils auront pas ma peau
    Toucheront pas à mes cheveux
    J' saluerai pas l' drapeau
    J' marcherai pas comme les boeufs
    J'irai pas en Allemagne
    Faire le con pendant douze mois
    Dans une caserne infâme
    Avec des plus cons qu' moi
    J'aime pas recevoir des ordres
    J'aime pas me lever tôt
    J'aime pas étrangler le borgne
    Plus souvent qu'il ne faut
    Plus souvent qu'il ne faut

   

   

   
   

Puis     surtout c' qui m' déplaît
    C'est que j'aime pas la guerre
    Et qui c'est qui la fait
    Ben c'est les militaires
    Ils sont nuls, ils sont moches
    Et pis ils sont teigneux
    Maintenant j' vais t' dire pourquoi
    J' veux jamais être comme eux
    Quand les Russes, les Ricains
    Feront péter la planète
    Moi, j'aurais l'air malin
    Avec ma bicyclette
    Mon pantalon trop court
    Mon fusil, mon calot
    Ma ration d' topinambours
    Et ma ligne Maginot
    Et ma ligne Maginot

   

Alors     me gonfle pas
    Ni moi, ni tous mes potes
    Je serai jamais soldat
    J'aime pas les bruits de bottes
    T'as plus qu'a pas t'en faire
    Et construire tranquilos
    Tes centrales nucléaire
    Tes sous-marins craignos
    Mais va pas t'imaginer
    Monsieur le président
    Que j' suis manipulé
    Par les rouges ou les blancs
    Je n' suis qu'un militant
    Du parti des oiseaux
    Des baleines, des enfants
    De la terre et de l'eau
    De la terre et de l'eau

   

Monsieur     le président
    Pour finir ma bafouille
    J' voulais t' dire simplement
    Ce soir on fait des nouilles
    A la ferme c'est l' panard
    Si tu veux, viens bouffer
    On fumera un pétard
    Et on pourra causer
    On fumera un pétard
    Et on pourra causer

   

   

   

   

   

   

   
 

 

 

-Zebda et les chants partisans :paroles de « Motivés » ;

 
 

 Chant des partisans

 

Maurice Druon &   Joseph Kessel 1944

 

 

 

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur   nos plaines ?

 

Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on   enchaîne ?

 

Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c'est   l'alarme.

 

Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et   les larmes.

 

 

 

Montez de la mine, descendez des collines,   camarades !

 

Sortez de la paille les fusils, la mitraille,   les grenades !

 

Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez   vite !

 

Ohé, saboteur, attention à ton fardeau :   dynamite...

 

 

 

C'est nous qui brisons les barreaux des   prisons pour nos frères,

 

La haine à nos trousses et la faim qui nous   pousse, la misère.

 

Il y a des pays où les gens au creux des lits   font des rêves ;

 

Ici, nous, vois-tu, nous on marche et nous on   tue, nous on crève.

 

 

 

Ici chacun sait ce qu'il veut, ce qu'il fait   quand il passe ;

 

Ami, si tu tombes un ami sort de l'ombre à ta   place ;

 

Demain du sang noir séchera au grand soleil   sur les routes ;

 

Chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté   nous écoute.

 

 

 

 

Catherine Ribeiro et Zebda chantent encore aujourd'hui ce poème. Pourquoi?

Sans doute  d' abord pour rendre hommage aux combattants contre le fascisme mais aussi pour inviter les gens à la " vigilance".


Le " vol noir des corbeaux " peut  représenter, aujourd'hui, les fascistes ou les  racistes qui "salissent" notre société.


Ces artistes sont donc des révoltés qui nous incitent à refuser les Et lutter pour la liberté aujourd'hui , c'est exiger  le respect de

chacun.

Zebda supprime les passages qui appellent au terrorisme.

Pourtant le groupe toulousain rajoute un refrain qui " actualise" le poème et le situe dans un combat contre les puissants et les

dictateurs de tout bord.

( On trouve la chanson dans le disque " motivés" avec d'autres textes engagés)

Voici la version de Zebda

 
 


  Spécialement dédicacé à tous ceux qui sont motivés
 
  Spécialement dédicacé à tous ceux qui ont résisté, par le passé
 
 
  Ami entends tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines
  Ami entends tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne
  Ohé, partisans ouvriers et paysans c'est l'alarme
  Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes
 
  Refrain
 
  Motivés, motivés
  Il faut rester motivés !
  Motivés, motivés
  Il faut se motiver !
  Motivés, motivés
  Soyons motivés !
  Motivés, motivés
  Motivés, motivés !
 
  C'est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères
  La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère
  Il est des pays où les gens au creux des lits font des rêves
  Chantez compagnons, dans la nuit la liberté vous écoute
 
  Refrain
 
  Ici chacun sait ce qu'il veut, ce qu'il fait quand il passe
  Ami si tu tombes un ami sort de l'ombre à ta place
  Ohé, partisans ouvriers et paysans c'est l'alarme
  Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes
 
  Refrain
 
  On va rester motivé pour le face à face
  On va rester motivé quand on les aura en face
  On va rester motivé, on veut que ça se sache
  On va rester motivé...
 
  Refrain
 
  On va rester motivé pour la lutte des classes
  On va rester motivé contre les dégueulasses
 
  Motivés, motivés...

 

 

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24 mars 2007

Paroles Abd Al Malik

    Paroles extraites de l'album,Gibraltar,Abd Al Malik2006       

 

   

 

 

 

Paroles Le grand Frere

 


  (Le grand frère) (x3)
 
  Hier Hubert a pris l'avion,
  Hubert (c'est) c'est mon frère qui rentre a la maison.
  C'est vrai qu'c'est important d'avoir un frère, surtout un grand frère.
  Ca fait 3ans qu'il part chaque été au pays,
  Il aide comme il peut, là-bas(c'est) c'est la misère.
  (Surtout que) surtout qu'on a toujours envie de montrer (qu'on) qu'on est   bien ici, (on) on entretient le mythe.
  Hubert c'est un homme, il leur dis : " Vous savez en France, la misère,   ça existe".
  Mais ils veulent pas l'croire, il disent : " Tu veux pas qu'on viennent,   c'est ça... ?"
  Lui, il comprend leur attitude, il leur dit juste comment ça s'passe quoi.
  Parce que si on veut changer l'monde, c'est d'chez soi qu'il faut l'faire.
  Mais au pays on lui répond : " T'es un blanc maintenant, ça s'voit qu'tu   connais pas la misère".
 
  Hier Hubert a pris l'avion,
  Hubert (c'est) c'est mon frère qui rentre a la maison.
  En faite c'est mon cousin, (mais) mais j'dis qu'c'est mon frère,
  parc'que dans la cité quand t'as un grand frère ça t'évite plein d'galères.
  Surtout quand il est boeuf comme ça,
  Parc'que les mecs en bas y'a qu'la force qu'il respectent.
  Lui c'est un Homme et moi j'suis un gosse,
  Enfin disons que de plus que moi il a au moins 3 têtes.
  Et puis c'est pas tout moi j'déconne et pas lui.
  Il m'fait pas la leçon ou quoi, (mais) mais j'ai honte devant lui,
  Parc'qu'avec le physique qu'il a et la crainte qu'il inspire,
  Il pourrait facilement être braqueur, dealer, j'sais pas moi... ou voleur a   la tire.
  Mais lui non, il est sérieux, il étudie.
 
  Hier Hubert a pris l'avion,
  Hubert (c'est) c'est mon frère qui rentre a la maison.
  C'est vrai qu'c'est bien d'avoir un grand frère.
  A l'aéroport on l'a vu, un gaillard comme ça, ça s'loupe pas, frère !
  Pourtant il parait qu'il a faillit le louper cet avion, ce drôle d'avion.
  Il voudrait faire de grandes choses dans l'avenir,
  Avoir son diplôme, bosser dur (pour) pour tous de la cité nous faire sortir.
  (Mais) mais il l'a pris cet avion, ce DC10 d'UTA pour ceux qu'aiment les   précisions.
  Celui qui a exploser au dessu du désert du Ténéré...
  Hubert a pris l'avion mais il n'est jamais rentré...

 

 

 
 

 

 

 

La gravité

 

A l'arrière-train du bus 14 comme à la remorque de la vie, je suis amorphe côté fenêtre,
Les yeux assis dans l'vide, à n'surtout pas m'demander si la vie m'considère comme un brave.
Je viens d'un lieu où chacun se complait à être grave.

Tourner en rond dans ces ruelles de la vie, que même les lampadaires n'éclairent plus,
Etre baigné dans l'noir et pourtant se croire dans la lumière totalement nu ...
Sortir la tête de l'eau ou se noyer dans l'fantasme.
Je viens d'un lieu où chacun se complait à être grave.

Je m'blesse tout l'temps avec le tranchant d'l'orgeuil,
je suis de ceux qui lentement deviennent leur propre cerceuil.
Je suis aveuglé par des murailles de tours, j'me dis : « Il peut rien
y avoir derrière ces remparts … ? »
Je viens d'un lieu où chacun se complait à être grave.

Avoir la prétention d'être soit, on s'connaît toujours trop peu.
Donner du sens, cette pensée me rend exceptionnel en ce lieu.
Provincer mon existence il fut un temps où Paris, j'y serais allé même à la nage.
Je viens d\'un lieu où chacun se complaît à être grave.
Au volant de ma Z3 bleu ciel comme aux commandes de ma vie,
je suis les cheveux au vent de cette vie blonde que je conduis.
A m'demander si j'crois en la justice, j’dirais que je suis heureux d'être à ma place.
Je viens d'un lieu où rien n'est jamais vraiment grave.

Rouler à fond sur l'autoroute de la vie, tellement éclairée qu'on en perd la vue, prendre son bain debout.
Un problème, des solutions, n'en parlons plus,
Voir l'argent comme un moyen et non comme une fin, ça calme,
Je viens d'un lieu où rien n'est jamais vraiment grave.

Je n'suis pas de ceux qui considèrent être quelqu'un parc’que je suis né avec quelque chose,
je suis tellement égoïste que j'pense plus aux autres qu'à moi c’est drôle ...
Mais … il m'arrive d'être triste, et ces joues mouillées ce sont de vraies larmes
Même si je viens d'un lieu où rien n'est jamais vraiment grave.

Avoir mal à la bourgeoisie comme Che Guevara, se lever chaque matin sans réellement savoir pourquoi,
Souffrir du non sens, une maladie qui n'épargne aucun personnage,
Je viens d'un lieu où rien n'est jamais vraiment grave.

Je viens d'un lieu où chacun se complait à être grave.

La gravité, mesdames et messieurs.

Paroles 12 Septembre


Ok, un peu plus de son dans l'casque ! Ouai comme ça c'est bon.


Refrain :

J'avais déjà un flow de tarés lorsque les tours jumelles se sont effondrées,
j'avais déjà un flow de dingues lorsque les tours jumelles se sont éteintes.


Je fus choqué dans mon intime et je vous jure,
que si j'n'avais pas eu la foi j'aurais eu honte d'être mousline.
Après ça fallait qu'on montre aux yeux du monde,
que nous aussi nous n'étions que des hommes,
que s'il y avait des fous, la majorité d'entre nous ne mélangeait pas, la politique avec la foi.

(Refrain)

Après cela on a tous été pointés du doigt,
ils se sont demandés ptètre qu'ils sont tous comme ça.
Des canons s'mirent à bombarder Bagdad et des corps s'effondrèrent en Espagne.
Nos leaders se mirent à jeindre et la Suisse sur un plateau d'télé face à un homme d'état melangea, la politique avec la foi.

(Refrain)

Je découvris la suspicion, c'est quand un homme à peur et que l'autre en face ne le rassure pas.
C'est quand celui q'on croyait connaître devient soudain,
celui qu'on n'connait pas.
Les Pays-Bas assassinèrent le descendant d'un peintre de renom,
la France continua à dire non.
L'Europe se scinda en deux, les uns et les autres qui n'voulaient pas qu'on confonde, la politique avec la foi.

(Refrain)

J'avais la conviction intime ce septembre 2001 que,
comme avant il n'y aurait plus rien,
et en un sens c'était sublime, le grain disait à Dieu à livrer,
alors une parole de paix et j'allais pouvoir délivrer.
Ainsi tous se reconnaîtraient dans la grande famille de l'humanité qui, naturellement, vicéralement ne confondrais pas,
la politique avec la foi.

(Refrain)

On allait tout déconstruire, déconstruire avec trois D comme, Deleuze, Darrida et Debré.
Ni fondamentalistes ni extrémistes de l'islam ou d'l'a laïcité,
mais là : ça d'vient lourd j'crois.
Trop compliqué en tout cas, et puis moi, je n'mélange pas,
la politique avec la foi.

Et au fait, ce mois là et l'mois qui a suivi, y a eu l'album de Jay-Z : Blueprint, une leçon, et l'premier classique de Wallen : A force de vivre, avec celle qui a dit non,
et l'bouquin d'Jonathan Franzen : Les Corrections,
et moi, moi qui ne f'sais rien qui, qui galerais à la maison, ah si : je changeais les couches de mon fiston.
(Ahahahah)

 

Les autres

 

Moi, moi quand j'étais petit, j'avai mal
c'était l'état de mon esprit, je suis né malade
sur l'echelle de Richter de la misère, malade ça vaut bien 6
quelques degrés en dessous de là où c'est gradué "fou"

J'étais voleur et avant d'aller voler, je priais
je demandais à Dieu de ne pas me faire attrapper
je lui demandais que la pêche soit bonne
qu'à la fin de la journée, le liquide déborde de mes poches
bien souvent, j'ai failli me noyer, j'ai été à sec aussi, souvent....
quand je croisais papa, le matin, aller travailler avec sa 102 bleue
en rentrant, le matin, de soirée, j'me disais "c'est un bonhomme mon vieux"
ensuite, j'me faufilais dans mes couvertures et j'dormais toute la journée
le style "Vampire" dormir la journée et rôder une fois le soleil couché
le genre de prédateur à l'envers, le genre qui à la vue d'un poulet meurt de peur
je ne me suis jamais fait prendre, et si j'avais été pris, aux keufs, j'aurais dit....

J'étais beau-parleur et je souriais aux filles en jean's avec de grosses ceintures
celles qui aiment bien l'odeur que degagent les gars
qui ont la reputation d'être des ordures
le genre à jurer sur la vie de sa mère dès qu'il ouvre la bouche
rêve de BMW pour asseoir à la place du mort celle qui couche
dans mon monde, un mec comme moi, c'est le top
j'aurais été une fille, on m'aurait traité de sal....
quand je croisais ma soeur avec ses copines dans le quartier
moi, qui allait en soirée, j'lui disais "rentre à la baraque !, va faire à bouffer !"
ensuite, j'allais rejoindre mes copines, celles qui me faisaient bien délirer
celles qui, comme moi, avaient un pére, une mère
peut-être bien des frères et soeurs qui sait.....
mais moi, du genre beau parleur à l'endroit, sans foi ni loi
mais c'était pas moi le chien, mais....

Et puis du jour au lendemain, j'ai viré prêcheur
promettant des flammes aux pêcheurs et des femmes aux bons adorateurs
comme si Dieu avait besoin de ça pour mériter qu'on l'aime
mais moi, moi pour que les autres m'aiment, moi
moi, j'en ai dit des choses pas belles et j'en ai acceptées aussi
on m'a dit "t'es noir, tu veux te marier avec elle, mais t'es noir...."
les autres y disaient comme ça, qu'elle était trop bien pour moi
donc moi, moi j'faisais de la peine à voir
moi, j'continuais ma parodie, mon escroquerie spirituelle
sauf que, j'me carottais moi-même, j'étais devenu un mensonge sur pattes
qui saoule grave et qui sait même pas ce qu'il dit
qui voit même pas que c'est un malade et qui dit comme ça
tout le dit y dit comme ça....

Et je vous dis monsieur, je vous dis monsieur,
quand je pense à tout ça, je pleure

REFRAIN :

Les autres, les autres, c'est pas moi c'est les autres....

Artiste: Abd Al Malik
Chanson: Gibraltar

Sur le détroit de Gibraltar, y'a un jeune noir qui pleure un rêve qui prendra vie, une fois passé Gibraltar.
Sur le détroit de Gibraltar, y'a un jeune noir qui se d'mande si l'histoire le retiendra comme celui qui portait le nom de cette montagne.
Sur le détroit de Gibraltar, y'a un jeune noir qui meurt sa vie bête de "gangsta rappeur" mais ...
Sur le détroit de Gibraltar, y'a un jeune homme qui va naître, qui va être celui qu'les tours empêchaient d'être.
Sur le détroit de Gibraltar, y'a un jeune noir qui boit, dans ce bar où les espoirs se bousculent, une simple canette de Fanta.
Il cherche comme un chien sans collier le foyer qu'il n'a en fait jamais eu, et se dit que p't-être, bientôt, il ne cherchera plus.
Et ça rit autour de lui, et ça pleure au fond de lui.
Faut rien dire et tout est dit, et soudain ... soudain il s'fait derviche tourneur,
Il danse sur le bar, il danse, il n'a plus peur, enfin il hurle comme un fakir, de la vie devient disciple.
Sur le détroit de Gibraltar y'a un jeune noir qui prend vie, qui chante, dit enfin « je t'aime » à cette vie.
Puis les autres le sentent, le suivent, ils veulent être or puisqu'ils sont cuivre.
Comme ce soleil qui danse, ils veulent se gorger d'étoiles, et déchirer à leur tour cette peur qui les voile.
Sur le détroit de Gibraltar, y'a un jeune noir qui n'est plus esclave, qui crie comme les braves, même la mort n'est plus entrave.
Il appelle au courage celles et ceux qui n'ont plus confiance, il dit : "ramons tous à la même cadence !!!".
Dans le bar, y'a un pianiste et le piano est sur les genoux, le jeune noir tape des mains, hurle comme un fou.
Fallait qu'elle sorte cette haine sourde qui le tenait en laisse, qui le démontait pièce par pièce.
Sur le détroit de Gibraltar, y'a un jeune noir qui enfin voit la lune le pointer du doigt et le soleil le prendre dans ses bras.
Maintenant il pleure de joie, souffle et se rassoit.
Désormais l'Amour seul, sur lui a des droits.
Sur le détroit de Gibraltar, un jeune noir prend ses valises, sort du piano bar et change ses quelques devises,
Encore gros d'émotion il regarde derrière lui et embarque sur le bateau.
Il n'est pas réellement tard, le soleil est encore haut.
Du détroit de Gibraltar, un jeune noir vogue, vogue vers le Maroc tout proche.
Vogue vers ce Maroc qui fera de lui un homme ...
Sur le détroit de Gibraltar … sur le détroit de Gibraltar …
Vogue, vogue vers le merveilleux royaume du Maroc,
Sur le détroit de Gibraltar, vogue, vogue vers le merveilleux royaume du Maroc …


 

Artiste: Abd Al Malik
Chanson: Soldat De Plomb

Soldat de plomb
Soldat de plomb

Tout maigre dans ma grosse veste qui me servait d'armure,
j'avais du shit dans mes chaussettes et j'faisais dans mon... pantalon

Soldat de plomb
Soldat de plomb

J'avais juste 12 ans
les poches remplies d'argent j'avais déjà vu trop de sang

Soldat de plomb
Soldat de plomb

J'étais adolescent quand j'ai vu le destin prendre un calibre et nous descendre un par un
mort par overdose, par arme à feu, par arme blanche ou par pendaison

Soldat de plomb
Soldat de plomb

Bien sûr qu'un sourire nous aurait fait plaisir, juste un peu d'attention et peut-être ç'aurait été autrement nous aurions été des enfants normaux et pas des enfants soldats

Soldat de plomb
Soldat de plomb

Ca ne pouvait finir qu'en drame quand nous étions dans cette cave et que tout notre escadron s'est mis à snifé d'la came

Soldat de plomb
Soldat de plomb

Des copines que j'avais connu belles s'étaient changées en loque humaine à cause de l'héroïne qu'elles s'étaient injectées dans les veines
soldatesse, fatiguée

Soldat de plomb
Soldat de plomb

Certains de mes proches, de mes frères, décidérent de faire sauter la banque à coups de révolver
5, 10, 15 ans fermes et on ne parle plus que par lettre

Soldat de plomb
Soldat de plomb

Sous le volant les câbles pendent, ils roulaient vite pour pas se faire prendre
l'explosion sonna "boum" et il se fit pendre

Soldat de plomb
Soldat de plomb

Sans oublier les histoires bêtes
un contrôle d'identité, on finit une balle dans la tête

Soldat de plomb
Soldat de plomb

Alors ça finit en émeute, en guerre rangée
CRS contre jeunes en meutes, enragés

Soldat de plomb
Soldat de plomb

Alors aujourd'hui moi Abd Al Malik quand j'entends des journalistes me dire que parler de paix et d'amour ça ne sert à rien, si ce n'est divertir, je pense à ces mecs et ces meufs dont l'ultime demeure est sous une croix ou tourner vers La Mecque
ces petits mecs et ces petites meufs qu'on ne considérera jamais comme des héros ou même comme de simples victimes de guerre

moi je ne vous oublie pas et en votre mémoire éternelle je ferais tout pour faire la paix avec moi-même et avec les autres aussi,
pour un monde meilleur

Vive la France arc-en-ciel, unie, débarrassée de toutes ses peurs

Soldat de plomb
Soldat de plomb

Donne-moi la main (X 4)  Artiste: Abd Al Malik
Chanson: Il Se Rêve Debout

Il s'rêve debout et ca lui va pas bien
Parce que sans geste ni parole il te reste rien
Rien qu'un cœur et je peux te dire qu'avec cet œil des fois,
Des fois on voit rien de bien
Ya des moments comme ca dans la vie où c'est tout ou bien rien
Il s'rêve debout et, et ces derniers temps c'est moins tout que rien
Et puis il n'a ni geste ni parole il ne lui reste rien
Rien qu'un cœur pour voir comme l'amour bah, et bah y'a rien
Et « ca va ? » il aurait répondu « bien » même si ca va plus mal que bien.

Il s'rêve debout et, et à y voir plus près c'est triste dans sa conditions mais,
Mais vous à sa place vous chanteriez quoi comme chanson ?
Hein ? parce que ca change tout d'être obligé de vivre à conditions
A condition que les autres ils se trompent pas
Lorsqu'ils interprètent votre partition
Il se rêve debout et, c'est sans condition, sans condition qu'il se lève
Assis ou allongé, la même chanson
C'est évident qu'il pourra plus jamais danser comme c'est con, comme ces types
Qu'il dénigrait avant et qui le négligent pour d'autres raisons.

Il s'rêve debout pour vivre en mourant
Pour survivre dans un monde où les morts s'prennent pour des vivants
Fonctionnaires d'une existence qui vivent bêtement parce que, parce qu'ils ont peur
Parce qu'ils ont peur de chaque instant.
Il se rêve debout et, la voilà en blanc
Sourire réflexe et gestes indifférents
« Bonjour » dit-elle en entrant, « Bonjour » dit-il en pensant.

Il s'rêve debout comme, comme ceux qu'apprécient l'instant
Comme ceux qui savent que, de toute façon tout ca, ca ne dure qu'un temps
Il s'rêve debout quand elle lui parle, il l'écoute
Faut dire qu'il l'était, debout, avant l'drame sur la route
Elle l'entoure de ses bras et le fait s'asseoir
Il lui reste rien, il ne lui reste ni geste ni parole, mais
Mais,il peut voir.

Il s'rêve debout
Lorsque sur son fauteuil elle le pousse
« Dis donc ca a l'air d'aller aujourd'hui » crie-t-elle
« On va vous faire une bonne douche ».

 

Artiste: Abd Al Malik
Chanson: Céline

Il faut faire attention lorsqu'on utilise les mots
Les verbes du peuple ou le parler de la rue
Parce que du beau peut jaillir la laideur absolue

Et l'orgueil dont on se drape lorsqu'on est ceux qui ont mal
Pour de vrai, pour de faux ou par abus de language
mérite bien un travail ou au moins un arrêt sur soi
Et puis le talent, l'aspect novateur d'un style ça veut dire quoi?
Si ça ne fait pas aller vers l'autre?
Si ça ne nous fait pas aimer l'autre?
C'est pas parce qu'on souffre qu'on est légitime
C'est pas ceux qui sont le plus mal qui sont les plus dignes
Alors t'as des mecs qui ont voulus s'approprier notre language
Parce ce que ça fait vendre
parce que ça fait authentique d'être de notre lignage
Mais voilà l'art véritable oblige à être responsable
Être rappeur c'est la classe
Ça parle au gens, ça parle des gens
Alors on a pas le droit de jouer un personnage
Question de principe on doit jamais oublier d'où l'on viens
Question poétique l'art ne doit jamais être mesquin

Il faut faire attention lorsqu'on utilise les mots
Les verbes du peuple ou le parler de la rue
Parce que du beau peut jaillir la laideur absolue

Á force de vouloir faire rue, on est devenu caniveau
C'est pas que c'est inutile un caniveau
C'est juste qu'on est devenu des "pas beaux"

On ne peut pas dire qu'on soit est les plus à plaindre
Mais de la à dire qu'on ne fait que feindre
Les gars ils se parlent entre eux
Ils se sapent,
Ils se rasent le crâne,
Ils se jaugent,
Ils aiment les marques,
Ils se volent leur meufs, s'insultent en proses
C'est notre culture,
C'est la culture de masse
C'est notre culture,
C'est la culture des nases
Et on en a rien à faire du reste
C'est ça qui est triste
Dans ce monde y'a t'il une place pour la foi
Pour la patrie ou la famille
Et ça, ça nous concerne tous
Qu'on parle mosquée, synagogue ou église
Qu'on soit croyant ou spirituellement sans domicile fixe
Faire l'artiste jusqu'à que je sorte de ma nuit
Parce que moi je sais qu'en vrai je suis tout petit

Il faut faire attention lorsqu'on utilise les mots
Les verbes du peuple ou le parler de la rue
Parce que du beau peut jaillir la laideur absolue

Á force de vouloir faire rue, on est devenu caniveau
C'est pas que c'est inutile un caniveau
C'est juste qu'on est devenu des "pas beaux"

Des "pas beaux"...

 

Artiste: Abd Al Malik
Chanson: Je Regarderai Pour Toi Les étoiles

Avant qu’t’arrives petit Mohammed
A vol d’oiseau la vie est belle murmurait déjà l’ciel
J’n’étais qu’un homme, enfin, un enfant qui joue à avoir l’air
On n’doute pas « j’suis grand, moi » c’est c’que l’on s’intime
On croit s’connaître, on paraît mais on s’dit dans l’être
On s’dit dans l’être au fond avoir est l’verbe que l’on préfère
Mais passons, les deux pieds cloués, rivés au sol, pourtant
Le cœur en d’ça d’ma tête en clé de sol, portant
Le poids énorme d’une tristesse heureuse, sur de
Frêles paroles fiévreuses, n’est-ce pas l’Rap ?
Tu n’étais pas là mais j’étais plus petit que toi
J’n’étais qu’un mensonge ambulant c’est ainsi
J’voyais pas

REFRAIN
Je regarderai pour toi les étoiles
Je regarderai …

Et puis t’es arrivé petit Mohammed
J’suis dev’nu l’oiseau qui arpente et qui salue le ciel
Toujours enfant mais bon enfin, fallait bien changer d’air
On n’frime pas, on pleure quoi quand j’tai vu mon fils
On s’connaît pas, on s’aperçoit un jour qu’on a un cœur
Qu’on a un cœur et dire je t’aime on a toujours eu peur
Mais passons, les deux pieds descotchés du sol, pourtant
Le cœur au-d’ssus d’ma tête en clé de sol, pleurant
Sous l’poids énorme d’une tristesse menteuse, sûr que
On aura honte de se voir dans une glace, c’est ça l’Rap
T’étais tout minuscule mais j’étais plus petit que toi
En fait ta venue au monde fut la mienne aussi j’crois
Crois moi

REFRAIN
Je regarderai pour toi les étoiles
Je regarderai …

Maint’nant qu’t’es grand petit Mohammed
J’suis à la fois l’oiseau, le ciel et même la vie est belle
J’suis enfin homme à travers toi, j’suis même bien plus qu’un père
Je doute plus, je vois, maintenant quoi y a plus une seule énigme
Là où j’suis, à présent nous sommes tous fils de l’instant
On est tous fils dès l’instant qu’on sent notre dernier instant
Mais passons, six pieds sous terre cloués au sol, pourtant
Le cœur libéré d’mon corps en clé de sol, planant
Au d’ssus du poids énorme de votre monde, bien que
N’étant plus présent je suis plus vivant, que l’Rap
Prends ce chapelet et invoque la vie, petit
Pense à ton vieux père quand tu pries, je t’aimerai même de là-bas

REFRAIN
Je regarderai pour toi les étoiles
Je regarderai

 

Artiste: Abd Al Malik
Chanson: L'alchimiste

Je n'étais rien, ou bien quelqu echose qui s'en rapproche,
J'étais vain et c'est bien c'que contenait mes poches.
J'avais la haine, un mélange de peur, d'ignorance et de gêne.
Je pleuvais de peine, de l'inconsistance de ne pas être moi-même.
J'étais mort et tu m'as rammené à la vie:
Je disais "j'ai, ou je n'ai pas"; tu m'a appris à dire "je suis".
Tu m'as dit: "le noir, l'arabe, le blanc ou le juif sont à l'homme ce que les fleurs sont à l'eau"

Oh, toi que j'aime et toi, que j'aime.
J'ai traversé tant d'avenues, tellement attendu ta venue
Qu'à ta vue, je ne savais plus si c'était toi, si c'était moi
Si c'était toi, Eh, toi que j'aime je crée ton nom
Dans le désert des villes que j'traversais car
Sûr de ton existence, je savais que tu m'entendrais
Et, toi, que j'aime, Oh, toi... que j'aime

Je n'étais rien, ou bien quelquechose qui s'en rapproche,
J'étais vain et c'est bien c'que contenait mes poches.
J'avais la haine, un mélange de peur, d'ignorance et de gêne.
Je pleuvais de peine, de l'inconsistance de ne pas être moi-même.
J'étais mort et tu m'as rammené à la vie:
Je disais "j'ai, ou je n'ai pas"; tu m'a appris à dire "je suis".
Tu m'as dit: "le noir, l'arabe, le blanc ou le juif sont à l'homme ce que les fleurs sont à l'eau"

Oh, toi que j'aime et toi, que j'aime.
Ni la rue, ni les drames, ne m'ont voilé à ta vue
Même au plus bas, même quand j'disais que tout était foutu!
Je t'aimais comme si je te voyait,
Car si je ne te voyait pas, je savais que j'étais vu par toi.
Et, toi que j'aime. Tu es un lion et ton coeur est un soleil
L'ultime secours de ceux perdus dans leur sommeil.
Et, toi, que j'aime, Oh, toi... que j'aime

Je n'étais rien, ou bien quelque chose qui s'en rapproche,
J'étais vain et c'est bien c'que contenait mes poches.
J'avais la haine, un mélange de peur, d'ignorance et de gêne.
Je pleuvais de peine, de l'inconsistance de ne pas être moi-même.
Tu es, tu es l'alchimiste de mon coeur
Et, toi, que j'aime, Oh, toi... que j'aime,
Eh.... oh, toi que j'aime...

Artiste: Abd Al Malik
Chanson: Adam Et Eve

(Wallen)
Adam et Eve,
Si un navire pour que l'on s'aime
Pleure pas Eve
Y a pas de mal à penser à sa pomme.

(Abd Al Malik)
Adam et Eve,l'idéal, le modèle autour duquel tourne toutes les histoires d'amour
Un arbre au centre depuis la nuit des temps, au commencement était l'amour
Il habite au 5 de la rue Jean Mermoz, elle habite avec ses frères et soeurs, cité des Aviateurs
Ils se sont rencontrés au cours élémentaire, école guy demer 2
Elle avait des yeux au grands coeurs, il avait (il avait) le courage de ces gamins qui ont toujours peurs
21 ans il lâche son gun, les histoires de cam et de keufs pour eux deux, pour ces grands yeux heureux
Il l'aime Eve, il l'aime
Elle aussi, mais elle connaît ses frères Eve, mais elle s'en fout elle l'aime quand même
C'est fou la cité, toute cette diversité, pourtant c'est bien la cité mais faut bouger pour devenir grand
Adam il a cogné avec ses coudes et ses poings, il a planté des coups de couteaux dans les reins, il a tiré avec des balles réelles sur des mecs pour rien
Mais Eve il ne l'a jamais embrassé Eve, il l'a même jamais touché Eve, il lui a dit à l'ancienne je le ferai quand tu seras mienne

(Wallen)
Adam et Eve,
Si un navire pour que l'on s'aime
Pleure pas Eve
Y a pas de mal à penser à sa pomme.
Si la terre des hommes par en sucette, Adam te protège
Adam et Eve,
Si un navire pour que l'on s'aime

(Abd Al Malik)
C'est l'histoire d'Adam et Eve, un gars et un fille qui viennet d'un endroit où ça craint mais eux, ils s'aiment pour de vrai
Et si ils ont ces prénoms c'est peut-être pas pour rien, ils montent dans ce taxi et le monde se ferme derrière eux
Ils montent dans ce taxi et un autre s'ouvre sous leurs yeux
Dans le coffre, à peine deux sacs ont suffi pour ficeler une vie, pour plier les bouts de tissus de mensonges qui disait-on les protègeraient en cas de pluie
Il fait nuit, ils sont censé être endormis, blottis dans les bras tatoués de leurs univers respectifs
Deux alliances comme une pair de mennotes, aux doigts de deux fugitifs pourchassées par des maîtres-chiens de la bêtise qu'ont au bout de leur laisse haine et racisme
Eve, elle s'était imaginé autre chose comme escorte, comme cérémonie, mais l'essentiel c'est qu'elle voyait dans ses yeux qu'elle était sa princesse à lui
Ils s'étaient mariés la veille, Adam et Eve, ils se regardèrent et éclatèrent de rire, Adam et Eve

(Wallen)
Adam et Eve,
Si un navire pour que l'on s'aime
Pleure pas Eve
Y a pas de mal à penser à sa pomme.
Si la terre des hommes par en sucette, Adam te protège
Adam et Eve,
Si un navire pour que l'on s'aime

(Abd Al Malik)
Adam il s'est fait craché à l'oreille parce qu'il s'est marié avec Eve, il s'est fait piétiné le coeur pour elle, Eve
Ils sont devenus père et mère, Q et M
Leur monde c'est pas le jardin d'Eden, mais on supporte tout lorsqu'on s'aime, et franchement y a pas à dire ils sont vraiment croques l'un de l'autre
Chaque soir il rentre comme son père avant lui de cette usine qui lui casse le dos
Ils ont pas une tune, ils ont trois gosses maintenant, mais ils se kiffent pareils
Bon c'est vrai des fois elle se met à rêver d'une autre life mais lui jamais parce qu'il sait que c'est qu'une seule fois qu'un coeur se casse
Le truc d'une autre vie ça à touné quelques temps dans la tête d'Eve, mais elle l'a même quelques fois pleuré à des étrangers autour d'elle
Et c'est ça je crois, je crois c'est ça le serpent de notre histoire
Adam et Eve toutes les love story depuis la nuit des temps sont les variantes d'une même histoire (x2)
Adam et Eve
...

 

 

 

 
               
   

Artiste: Abd Al Malik
    Chanson: Saigne
   
    [Refrain]:
    Derrière le statut, le vêtement,
    la couleur de peau
    n'est-ce pas qu'on est tous semblables ?
    Les mêmes préoccupations :
    Qui suis-je ?
    Où vais-je ?
    Que n'ais-je ?
    M'aime-t-il ?
    M'aime-t-elle ?
   
    [Couplet]:
    C'est pas exagéré, de dire que je suis mort.
    Je suis allongé là à même le sol et je me demande encore, pourquoi     m'aimait-il pas ?
    Pourquoi est-ce que ils me regardaient tous comme ça ?
    Les policiers diront que le coup est parti tout seul, que... que je me     debattait tout seul quoi !
    C'était censé être un simple contrôle parce que...
    sur la route je roulais un peu trop vite mais j'étais habitué à ce tempo de     vie.
    Et puis je pensais à ma fille .
    Je lui avais dit à ce garagiste,
    que si je roulais sans plaque,
    j'allais avoir des blêmes.
    Il m'a dit :" vous êtes parano m'sieur, je vous arrangerais ça demain!     il y aura plus de problème ".
    Et moi, et moi je l'ai cru avec ma tête de noir, de cas social.
    C'est dingue quand même!
    Mon pays d'origine je le connais même pas.
    Et franchement je pense, je parle, je rêve et je respire en français !
    En français, je pleurs, je ris, je crie, je ...
   
    [Refrain]:
    Derrière le statut, le vêtement,
    la couleur de peau
    n'est-ce pas qu'on est tous semblables ?
    Les mêmes préoccupations :
    Qui suis-je ?
    Où vais-je ?
    Que n'ais-je ?
    M'aime-t-il ?
    M'aime-t-elle ?
    Pour ce pays, comme celles et ceux qui ont fait la guerre.
    Comme celles et ceux qui ne savent pas dire "je t'aime", "je"     ...
   
    [Couplet]:
    Quant il est arrivé avec sa belle caisse,
    je me suis dit :" encore un de ses nègres qui va me prendre la     tête"
    Mais, mais il était, je dois le dire, assez courtois
    et même franchement carrément sympa !
    Je me suis dit que c'était bête de penser comme ça
    parce que ce type il avait pas fait d'histoire.
    Il était juste comme moi :
    Un simple passager de l'Orient-Expresse du destion,
    sauf qu'il était noir.
    Et ça , ça enlevait rien !
    J'ai même fait mon travail avec plaisir.
    Faut dire que c'est rare les clients prévenants,
    en plus qui vous font rire.
    Je lui ai dit de repasser le lendemain pour lui visser sa plaque ...
    Mais il voulait absolument partir de suite voir sa fille je crois.
    Ils sont très famille les blacks vous savez !
    Vous comprendrez que ça ma foutu un coup quand,
    quand j'ai appris que le mec était mort sur le coup !
    Je suis sans doute la dernière personne à avoir rit avec lui, à avoir été     cool avec lui avant qu'il ne
    avant qu'il ne ...
   
    [Refrain]:
   
    [Couplet]:
   
    Déjà quand j'étais aux antilles,
    ça me soulait de voir ces noirs et ces arabes qui foutaient le merde quoi !    
    Mais c'est pas pour ça que j'ai voulu être flic!
    C'était une vocation je crois!
    La métropole c'est spécial
    mais je m'y suis vite fais.
    Un bon flic c'est obligé,
    Ca doit s'adapter!
    J'ai fais pas mal d'arrestation , des gens méchants et vraiment dangereux     mais,
    le plus étonnants c'est que c'est à nous que le civil en veux !
    Bon c'est vrai qu'il y a des collègues qui sont pas cool mais c'est comme     partout.
    Ta des gens bien et des fous
    mais ca , va l'expliquer à ce gars dans sa belle voiture qui roule comme un     dingue
    parce qu'il doit l'avoir voler en plus !
    Il s'est arrété comme ça
    brusquement alors je l'ai arrété et
    et mon collègue qui arrêtait pas de me dire qu'il voulait de faire du     bougnoule
    alors ça plus toute la tension , plus toute la violence qui règne autoure     de nous
    je me suis dit que j'avais jamais tirer en vrai Quand ...
    (tire d'un pistolet)
   
    [Refrain]:
   
    [couplet]:
    Ce morçeau est didié à San
    qui est parti l'année
    dernière victime d'une bavure !
    Je dédie ce morçeau aussi
    à tous les géthos martyrs de mon quartier.
   
    Artiste: Abd Al Malik
    Chanson: Mourir À 30 Ans
   
    Un jour dans la rue
    Un jour à l'école
    Un jour dans l'étude
    Un jour dans l'vol
    Un jour sur Sky
    Un jour dans les drames
    Un jour dans les larmes
    Un jour dans l'Islam
    Un jour je veux mourir
    Un jour je veux vivre
    Un jour j'suis un disque
    Un jour je suis un livre
    Un jour chez Ardisson
    Un jour chez ma maman
    Un jour j'suis une star
    Un jour je suis Néant
    Un jour dans l'métro
    Un jour dans l'bus
    Un jour chez Atmo
    Un jour dans la lune
    Un jour dans ma plume
    Un jour j’suis en studio
    Un jour j'parle plus
    Un jour noyé dans mes mots
    Un jour on m'regarde pas
    Un jour on m'parle de ma femme
    Un jour c'est moi qui pousse
    Un jour c'est moi qui blâme
    Un jour j'suis dans les rêves
    Un jour j'suis dans l'réel
    Un jour dans la ville
    Un jour dans l'désert
    Un jour j'suis tous les Hommes
    Un jour je suis Malcolm
    Un jour j'porte le monde
    Un jour je suis un gnome
    Un jour près d'la tombe
    Un jour je suis un môme
    Un jour j'suis plus drôle
    Un jour mémoire de mes morts
    Un jour j'suis immeuble
    Un jour je suis une cave
    Un jour je suis peur
    Un jour je suis un brave
    Un jour je suis père
    Un jour je suis mon fils
    Un jour j'pleure seul
    Un jour j'ai l'vertige
    Un jour j'ai l'coeur sobre
    Un jour j'l'entends sourire
    Un jour je suis noir
    Un jour je suis blanc
    Un jour arc en ciel
    Un jour j'suis grisonnant
    Un jour ils ont la haine
    Un jour mort de rire
    Un jour je m'assume
    Un jour je me sublime
    Un jour je suis marteau
    Un jour je suis enclume
    Un jour je suis bateau
    Un jour je suis écume
    Un jour j'suis chez les bourges
    Un jour j'suis chez les cailles
    Un jour j'suis tout rouge
    Un jour j'perds mes écailles
    Un jour ce 14 mars j'ai 30 ans
    Un jour ce 14 mars j'ai 30 ans
    Mais c'que je sais tous les jours, c'est qu'dans l'jardin même si les     fleurs sont multiples,
    L'eau est une.........
   
   
   

   
 

 

 

24 mars 2007

Poesie 3èmes

Textes

Prévert,

extrait du spectacle:Pour faire le portrait de...Prévert , par la Compagnie des Transports Imaginaires.

   
 

Familiale

 

La mère fait du tricot
  Le fils fait la guerre
  Elle trouve ça tout naturel la mère
  Et le père qu’est-ce qu’il fait le père ?
  Il fait des affaires
  La femme fait du tricot
  Son fils la guerre
  Lui des affaires
  Il trouve ça tout naturel le père
  Et le fils et le fils
  Qu’est-ce qu’il trouve le fils ?
  Il ne trouve rien absolument rien le fils
  Le fils de sa mère fait du tricot son père des affaires lui la guerre
  Quand il aura fini la guerre
  Il fera des affaires avec son père
  La guerre continue la mère continue elle tricote
  Le père continue il fait des affaires
  Le fils est tué il ne continue plus
  Le père et la mère vont au cimetière
  Ils trouvent ça naturel le père et la mère
  La vie continue la vie avec le tricot la guerre les affaires
  Les affaires la guerre le tricot la guerre
  Les affaires les affaires les affaires
  La vie avec le cimetière

 

Chanson   pour les enfants l’hiver

 

Dans la nuit de l’hiver

 

galope un grand homme blanc

 

galope un grand homme blanc

 

C’est un bonhomme de neige

 

avec une pipe en bois

 

un grand bonhomme de neige

 

poursuivi par le froid

 

Il arrive au village

 

il arrive au village

 

voyant de la lumière

 

le voilà… rassuré‚   

 

Il arrive au village

 

il arrive au village

 

Dans une petite maison

 

il entre sans frapper

 

Dans une petite maison

 

il entre sans frapper

 

et pour se réchauffer

 

et pour se réchauffer

 

s’assoit sur le poêle rouge

 

et d’un coup disparaît

 

ne laissant que sa pipe

 

au milieu d’une flaque d’eau

 

ne laissant que sa pipe

 

et puis son vieux chapeau...

 

LE CANCRE
 
  Il dit non avec la tête
  mais il dit oui avec le coeur
  il dit oui à ce qu'il aime
  il dit non au professeur
  il est debout
  on le questionne
  et tous les problèmes sont posés
  soudain le fou rire le prend
  et il efface tout
   les chiffres et les mots
   les dates et les noms
   les phrases et les pièges
  et malgré les menaces du maître
  sous les huées des enfants prodiges
  avec des craies de toutes les couleurs
  sur le tableau noir du malheur
  il dessine le visage du bonheur

 
Les animaux ont des ennuis
 

Le pauvre crocodile   n’a pas de C cédille

 

On a volé les ailes   de la pauvre grenouille

 

Le poisson scie a   des soucis

 

Le poisson sol ça   le désole

 

Mais tous les   oiseaux ont des ailes

 

Même le vieil   oiseau bleu

 

Même la grenouille   verte

 

Elle a deux L avant   l’E

 

 

 

Laissez les oiseaux   à leur mère

 

Laissez les   ruisseaux dans leur lit

 

Laissez les étoiles   de mer

 

Sortir si ça leur   plait la nuit

 

Laissez les p’tits   enfants briser leur tirelire

 

Laissez passer le   café si ça lui fait plaisir

 

 

 

La vieille armoire   normande

 

Et la vache bretonne  

 

Sont parties dans   la lande

 

En riant comme deux   folles

 

Les petits veaux   abandonnés

 

 

 
 

DÉJEUNER DU MATIN
 
  Il a mis le café
  Dans la tasse
  Il a mis le lait
  Dans la tasse de café
  Il a mis le sucre
  Dans le café au lait
  Et il a reposé la tasse
  Sans me parler
  Il a allumé
  Une cigarette
  Il a fait des ronds
  Avec la fumée
  Il a mis les cendres
  Dans le cendrier
  Sans me parler
  Sans me regarder
  Il s'est levé
  Il a mis
  Son chapeau sur sa tête
  Il a mis
  Son manteau de pluie
  Parce qu'il pleuvait
  Et il est parti
  Sous la pluie
  Sans une parole
  Sans me regarder
  Et moi j'ai pris
  Ma tête dans ma main
  Et j'ai pleuré.

 

Chanson des escargots qui vont à l’enterrement

 

A l'enterrement d'une feuille morte
  Deux escargots  s'en vont
  Ils ont la coquille noire
  Du crêpe autour des cornes
  Ils s'en vont dans le soir
  Un très beau soir d'automne
  Hélas quand ils arrivent
  C'est déjà le printemps
  Les feuilles qui étaient mortes
  Sont toutes réssucitées
  Et les deux escargots
  Sont très désappointés
  Mais voila le soleil
  Le soleil qui leur dit
  Prenez prenez la peine
  La peine de vous asseoir
  Prenez un verre de bière
  Si le coeur vous en dit
  Prenez si ça vous plaît
  L'autocar pour Paris
  Il partira ce soir
  Vous verrez du pays
  Mais ne prenez pas le deuil
  C'est moi qui vous le dit
  Ça noircit le blanc de l'oeil
  Et puis ça enlaidit
  Les histoires de cercueils
  C'est triste et pas joli
  Reprenez vous couleurs
  Les couleurs de la vie
  Alors toutes les bêtes
  Les arbres et les plantes
  Se mettent a chanter
  A chanter a tue-tête
  La vrai chanson vivante
  La chanson de l'été
  Et tout le monde de boire
  Tout le monde de trinquer
  C'est un très joli soir
  Un joli soir d'été
  Et les deux escargots
  S'en retournent chez eux
  Ils s'en vont très émus
  Ils s'en vont très heureux
  Comme ils ont beaucoup bu
  Ils titubent un petit peu
  Mais la haut dans le ciel
  La lune veille sur eux.

 

Pleurent comme des   veaux abandonnés

 

Car les petits   veaux n’ont pas d’ailes

 

Comme le vieil   oiseau bleu

 

Ils ne possèdent à   eux deux

 

Que quelques pattes   et deux queues

 

 

 

Laissez les oiseaux   à leur mère

 

Laissez les   ruisseaux dans leur lit

 

Laissez les étoiles   de mer

 

Sortir si ça leur   plait la nuit

 

Laissez les   éléphants ne pas apprendre à lire

 

Laissez les   hirondelles aller et revenir

 

 

 

Texte narratif  du spectacle

extrait du texte « Enfance » dont vous pouvez trouver l’intégralité dans le recueil

« Choses et autres »

 

1906 Neuilly sur Seine….

.Souvent au bois ,un cerf traversait une allée .Un peu partout les gens mangeaient, buvaient, prenaient le café. Un ivrogne passait et hurlait : »dépêchez vous !mangez sur l’herbe, un jour ou l’autre, l’herbe mangera sur vous ! »…..

il y avait des gens qui faisaient la musique, qui chantaient , qui faisaient la fête, qui faisaient la gaité, et ceux qui, à voix basse, s’engueulaient autour de guéridon, étaient tout de même sous le charme et leurs injures ,leurs pauvres menaces, on aurait dit qu’il les chantaient……

Et puis Printania, un grand café concert en  plein air …et quand la nuit était belle le toit du théatre  s ‘en allait , les étoiles aussi pouvaient contempler le spectacle…des chanteurs. Il y en avait un qui était drôle comme tout .Et pourtant il était tout en noir triste, et avec une tête à pleurer tout le temps….

Il chantait : »J’ai la neurasthénie, c’est rigolo ,oh, oh »et tout le monde se tordait de rire ,même mon père .Pourtant il en avait lui,  de la neurasthénie.

« c’est à la mode, disait il mais je m »en passerais bien : la tristesse qui s’installe dans votre tête et qui va et vient ,là, comme chez elle »….

On allait aussi dans un petit chemin de fer au jardin d’Acclimatation…

Les plantes étaient grandes comme des arbres….Dans les serres, c’était toujours le silence ,même quand il y avait du monde.

Devant les bêtes ,les gens parlaient très fort…surtout devant les singes .Mais devant les plantes, ils se taisaient, comme dans les églises, et c’est à voix basse qu’ils lisaient les noms écrits en latin, sur de petites pancartes .Tout était vert , même la chaleur, et les gens n’étaient pas habitués…

 

Ce fut ma mère qui m’apprit à lire, puisqu’il fallait bien y passer. Avec un alphabet, bien sûr, mais surtout avec l’Oiseau Bleu, avec la Belle et la Bête…avec les Musiciens de la Ville de Brême

Comme toutes les plus belles filles du monde , ma mère avait aussi les plus beaux yeux et d’un bleu tellement bleuet tellement souriant .Des fois elle rougissait ou plutôt devenait toute rose et elle était comme les reines qu’on peint sur les tableaux …Mais elle était bien plus vivante qu’une actrice, tout ce qu’elle faisait était vrai…C’était une étoile de la vie…

Mon père et ma mère ne riaient pas autant ensemble mais ça se voyait qu’ils s’aimaient beaucoup…

Mon père ,lui, commentait les choses ,en tirait la « moralité » et comme je l’amusais ,le fâchais, le décevais et l’intriguais tout à la fois ,il m’expliquait, il me disait comment j’étais dans le fond .Ma mère ,jamais :elle me savait…

(Mon Père)Il travaillait à la « Providence »,une grande Compagnie d’assurance de Paris ,rue de Gramont, près de l’Opéra-Comique .Mais les accidents, les incendies, ça ne l’intéressait que médiocrement.

« Je fais en attendant »…mais il ne donnait aucune précision sur ce qu’il attendait

 

C’est le docteur  Tollmer qui nous soigne…

« C’est tout simple , le santé ..mais il faut la garder ,.sortir les enfants par n ‘importe quel temps et la teinture d’iode s’ils sont enrhumés :10 gouttes dans du lait ….Et puis bien entendu, l’huile de foie de morue… »

Ca il aurait mieux fait de se taire , le bon docteur Tollmer, mais on ne lui en veut pas puisqu’il soigne très bien papa qui « jouit d’une très délirante santé » :l’enthérite, les courbatures, la dépression nerveuse, la mélancolie.

« Freinez un peu le vélo ….et les appéritifs aussi ;un jour ou l’autre ,il faudra bien vous y décider. »…

…mon père hausse les épaules :  « Il est bien gentil avec sa mélancolie, sa neurasthénie .J’ai tout simplement le mal du pays, le mal de la Provence ! »

Peu de temps après il (mon père)demande un congé à la Providence…et prend le train pour le Pont du Gard où habite un de ses amis

Nous recevons des cartes postales du Pont du Gard…et quand il revient ,nous sommes très heureux de le revoir, d’autant plus qu’il nous dit très émus , combien nous lui avons manqué….

Et l’on partait ,nous aussi, en vacances .pas en Provence ,mais en Bretagne.

Les vacances, c’était pour mon frère ne plus aller à l’école ,pour mon frère ne plus aller à l’école, pour mon père échapper à la Providence, pour ma mère ,se reposer si elle le pouvait, pour moi c’était la mer…La mer , je courais après elle ,elle courait après moi ,tous les deux on faisait ce qu’on voulait .C’était comme dans les contes de fées :elle changeait les gens .A peine arrivés ,ils n’avaient plus la même couleur , ni la même façon de parler…on aurait des autres

Elle changeait aussi les choses et elle les expliquait .Avec elle, je savais l’horizon, le flux , le reflux ,le crépuscule, l’aube, le vent qui se lève ,le temps qui va trop vite et qui n ‘en finit plus… et un tas de choses qui me plaisaient et que, loin d’elle ,très vite, j’oubliais

 

Les vacances finies ,on rentrait et une fois mon père nous montra , par la portière, le petit village d’Ancenis.

« Regarde bien Ancenis ,et si tu ne l’as pas vu ,tu n’as rien perdu .Dans son petit séminaire, j’ai fait mes études, c’est l’endroit où j’ai le plus souffert de ma vie .Ils étaient odieux et cruels avec les enfants qui les aimaient pas .Maintenant , quand tu m’entendras crier me cauchemars, tu sauras ce qu’il y a dedans .Ta mère d’ailleurs, le sait depuis longtemps …car elle aussi.. »

« Oh moi ce n’est pas pareil. .je n ‘oublie pas , bien sûr, mais ça ne ma donne pas de mauvais rêves. »….

…..elle sort le chat Sigurd du panier, le prend dans ses bras .. ;comme un enfant

« si tu m’aimes ,Sigurd, remue l’oreille une fois. »

Et Sigurd remue l’oreille.

« Et Jacques.. ;si tu l’aimes, remues deux fois. »

Sigurd remue deux fois

« Et André ?Situ l’aimes ,remue l’oreille trois fois. »

et Sigurd ne remue pas l’oreille du tout.

Mon père hausse les épaules ,vexé ….

.. ; « n’est ce pas que tu l’aimes bien André et même que tu l’aimes beaucoup ? »

Et Sigurd remue les deux oreilles à toute vitesse comme un petit âne incommodé par les mouches .

J’ai mis longtemps à comprendre le truc et pourtant c’était d’une simplicité enfantine, un souffle ,un rien .Ma mère ,imperceptiblement ,soufflait sur l’oreille du chat en temps utile.

« Ta mère, c’est une fée »disait papa

C’est pour cela que j’avais peur, quand elle me lisait des contes, qu’elle disparaisse dans l’histoire comme les fées .. ;

…l’automne s ‘attardait un peu pour prolonger ses adieux, et c’était l’hiver avec ses histoires déchirantes de ramoneurs perdus dans la neige comme les pauvres à Paris dans les rues.

 

Ma mère attendait le printemps ;elle était soucieuse ….parce qu’elle attendait aussi un bébé en même temps .C’est pas grand ,un bébé, mais je me demandais comment il allait tenir la dedans …..Un jour,.. .ma mère se couche .Elle était pas bien , elle avait grossi un petit peu ,elle avait l’air fatiguée… ;tout autour du lit , les gens disaient :

« Qu’est ce que tu préfères ….qu’est ce que vous préférez ,une fille ou un garçon.. ,une fille ,ça vous changerait ! »

« pourquoi choisir d’avance » disait maman « je préférerai celui ou celle que j’aurai »

Moi , j’étais inquiet ,les nouveaux-nés me faisaient plutôt peur .Ceux que j’avais vus n’avaient pas l’air heureux, on aurait dit des petits vieux… Ceux que j’avais vus n’avaient pas l’air heureux, on aurait dit des petits vieux…. ;ils commençaient des, gestes, mais ne les finissaient pas, comme des jouets mécaniques dont on a perdu la  clé….

Un beau jour ,on dit toujours un beau jour ,mais celui là n’était pas plus beau que les autres , au contraire ,ma mère parut tout à coup plus malade qu’on me l’avait dit et mon père beaucoup plus nerveux que d’habitude .Il se disputait avec grand-mère Sophie qui nous racontait des histoires de choux, de cigognes…..Une grosse bonne femme traversait tout le temps l’appartement avec des seaux remplis de coton taché de sang.

C’était comme à l’hôpital , le jour des amygdales.

Et mos frère arriva…

…Pierre ,c’était le nom de mon petit frère, je trouvais que pour un nouveau-né ,il avait l’air plutôt jeune lui aussi…,et , que sans doute pour faire plaisir à ma mère, je déclarai que je l’aimerai beaucoup.

Plus tard , ce que j’avais dit devint vrai, mais je mis beaucoup de temps avant de m’en apercevoir.

 

 

Peu d temps après la naissance de mon frère, nous déménageons .c’est la première fois, ça m’amuse beaucoup lais mon père et ma  mère, pas du tout .Nous avons beaucoup d’ennuis , paraît il , et naturellement, comme toujours, des ennuis d’argent .Mais cette fois, il paraît que « ça dépasse les limites ».

« Plein la malle jusqu’au cadenas »dit papa.

Il a perdu sa situation .Il ne tenait pas tellement à elle et elle , sans doute ,pas davantage à lui…

…Nous habitons maintenant rue Jacques Dulud ,un petit rez de chaussée assez sombre…

…nous ne vivons plus pareil. Au café de l’Hotel-de-Ville, mon père y va de moins en moins souvent et quand il y va, boit beaucoup plus modestement…

…A la maison, on mange froid presque tous les jours .A moi ça me plait , j’aime beaucoup la charcuterie, les sardines à l’huile, le roquefort….

Et ma mère allait faire les courses tout comme mon pères allait au bar, à crédit….

…Mais ils avaient dire, beau chanter et rire, je savais qu’à la maison, il y avait quelque chose d’ abimé Heureusement que ma mère  m’a déjà appris à lire .Aujourd’hui , avec le bébé , elle n’aurait pas le temps.

Alors je lis et même , quand ça fait peur ou que ce n’est pas gai, ça m’empêche de penser à ce qui est triste pour de vrai.. Et puis , j’aime lire. J’en ai pris très vite l’habitude…

…Je n’aime pas « Les lettre  de mon moulin », je n’aime pas « le sous-prefet aux champs « qui faisait des vers en mâchonnant des violettes….

…Je préfère les autres , tous les autres, tous les livres des autres ….

…le soir, je lis très tard avec la veilleuse allumée…

Ainsi les nuits passaient très vite, sauf quand mon père , qui avait ses « cauchemars » me réveillait :

« Ne m’arrachez pas mes chaussettes, j’ai des engelures, ça m’écorche les pieds…Non ,je ne veux pas qu’on m’enferme dans un cabinet noir » Je ma levais , le secouais un peu, il se réveillait, m’embrasait, ou alors c’était lui qui sautait du lit et venait me raconter ses mauvais rêves pour s’en débarrasser…

 

 

Un beau jour….D’un coup de baguette magique, de magie noire disait papa, un sorcier à tête d’huissier était venu et tout avait disparu, sauf les lits, une table, la plus petite, quatre chaises, le berceau de Pierrot, ma ferme, mon cirque, mon cochon en carton et Sigurd.

Comme c’est grand maintenant chez nous, Sigurd  a toute la place pour sauter, courir, on se croirait au concours hippique et sur la petite table , on mange, mon frère fait ses devoirs et mon père écrit mais, heureusement , pas tout cela en même temps.

Ce que mon père écrit et sans arrêt, c’est seulement des enveloppes …. C’est toujours « en attendant »…

Un soir, rentrant fort tard, il annonce à maman que c’est chose faite et qu’il a trouvé… enfin  qu’on lui a fait une excellente proposition :

« Une porte ouverte , c’est un peu loin évidemment mais en plein soleil ! »…

A la gare de Lyon, un soir, nous prenons le train pour Toulon…..

 

 

Toulon…Je suis couché, il y a un docteur dans la chambre, ce n’est pas le docteur Tollmer, c’est un docteur avec une voix qui chante.

« Il va mieux , encore un peu de délire, je ne crois pas à une fièvre cérébrale, une insolation, un malaise passager. »

Mon père et ma mère parlent aussi et très loin, et dans ma tête une grosse pierre tourne, s’avance ,recule, s’en va et puis des chiffres arrivent, des chiffres qui se comptent tout seuls sans jamais s’arrêter.

Et puis tout ça s’en va . J’ai faim, j’ai soif et je me lève, je vais à la fenêtre…

C’est beau.Une grande place avec des platanes et puis des diligences comme en Amérique et leurs chevaux qui rêvent au soleil, un soleil très doux qui se promène doucement dans le vert des branches.

C’est la place Armand Vallée où nous habitons, au dessus du bistrot d’un hôtel, une chambre avec trois lits ,un papier peint tout déchiré et des petits cancrelats qui trottent sur une carpette usée. J’entre en convalescence, pas une grande, ça dure à peine deux jours.

 

 

Et l’hiver venait .Au bureau de l’hôtel, en buvant un verre qu’il faisait marquer, mon père demandait s’il n’y avait pas une lettre pour lui.

« Pas de courrier » répondait l’hôtelier.

« C’est gai », disait mon père…

Une fois , il reçut un télégramme , le regarda longtemps, but un verre, puis un autre, déchira le télégramme et le jeta au vent, sans le lire.

« mon petit, les télégrammes , c’est toujours des mauvaises nouvelles. »

…. L’hiver avait beau s’annoncer radieusement, l’hôtelier devenait de moins en moins aimable et ma mère semblait quelquefois gagnée par la tristesse de mon père.

….Un soir ,mon père m’emmena sur le quai Cronstadt et , ce soir-là, le quai était désert et froid et mon père était si désemparé que le petit clapotis de la mer , on aurait dit qu’il fredonnait une chanson triste, un mauvais air.

« Mon petit, à force de tirer la corde , elle finit par casser , eu bout du fossé la culbute, et j’en passe .Je vous aimais trop ou pas assez. Moi parti, ON s’occupera de vous et ça leur servira de leçon. »

« T’es fou ,papa ? »

« Ton père c’est comme un chien abandonné , adieu mon petit. Je vais me fiche à l’eau. Surtout n’oublie pas de dire à ta mère que je l’ai beaucoup aimée. »…

« Allons papa, fais pas de bêtise. »

« Je n’ai pourtant rien bu ».. ;

« J’ai pas dit ça, allez, rentrons. »

Et j’emmène mon père par la main comme un père emmène son petit garçon.

A l’hôtel ,mon père s’arrête un instant au comptoir et je raconte à ma mère cette pauvre histoire…..

« N’aie pas peur, il m’a déjà à fait le coup à moi aussi….

Le lendemain, au un autre jour …,mon père reçoit une lettre recommandée.

« Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ? »

« Ni bonne ni mauvaise, une bouée de sauvetage de rien du tout !…mais ça vaut tout de même mieux qu’une pierre au cou …Demain, nous rentrons à Paris »

 

 

Paris , 1907.

Dès notre arrivée, nous allons dans un petit hôtel proche de la gare

« On ne pouvait aller plus loin » dit ma mère.

« Ni descendre plus bas » dit papa en nous quittant.

L’hôtel est sale et gris, mais le poêle est tout rouge et les gens qui se chauffent autour sont tous gentils  ma mère et aux petits soins pour elle , car avec Pierrot, elle ne peut rester dans la chambre qui n’est pas chauffée .Moi je vais me promener dans la gare et tout autour.

A paris ,il y a beaucoup plus de bruit qu’ à Toulon et tout va si vite, tout est si froid, qu’en courant je rentre à l’hôtel où un peu plus tard , mon père arrive à son tour et nous dit …sans le moindre enthousiasme…  qu’il a ….trouvé une situation

« Dans les assurances ? »

« Non , 175 Boulevard Saint Michel où ton grand père est , si tu l’a oublié, Président de l’Office Central des Pauvres de Paris. »

« Qu’est ce que tu feras comme travail ? »

« J’irai visiter les pauvres pour savoir s’ils méritent qu’on leur vienne en aide . »

Rue de Vaugirard , près de l’Odéon.

C’est tout en haut notre logement …l’eau et le reste c’est sur l’escalier ; là on rencontre tout le temps les voisins ,comme ça on sait qui c’est.

…nos fenêtres donnent sur le ciel, l’une d’elles sur la cour de l’école…

Non ,c’est pas terrible l’école….C’est comme les copains m’ont raconté :on est assis toute la journée, on n’a pas le droit de bouger ,on guette les heures et on les écoute sonner.

Tout à fait comme les problèmes qu’on me posera un peu plus tard à la leçon d’arithmétique :

« Un élève entre en classe à 8 h 30 , en sort à 11 h 30, revient à 1 heure et s’en va à 4 heures. Combien de minutes s’est il ennuyé ? »

On peut soustraire les chansons des rues, la pluie et la grêle …et même , bien souvent la bonne humeur du maître ça fait tout de même un bon petit bout de temps ,les mains sur la table ou les bras croisés .Alors , j’attendais, j’attendais  …4 heures

 

Le jeudi , j’accompagnais souvent papa qui « allait faire ses enquêtes »….on allait voir les pauvres…

On allait partout , on entrait partout  comme à la fête, mais une grande fête triste, sans  musique et qui n’en finissait jamais…mais c’était toujours les rues des  quartiers les plus pauvres qui avaient les plus jolis noms ;la rue de la Chine ,la rue du Chat-qui-Pêche , la rue aux ours, la rue du Soleil ,la rue du Bois Doré…C’était sûrement les pauvres qui les avaient trouvé s , ces noms, pour embellir les choses.

Des fois, je restais dehors et même un jour , dans la rue des Alouettes, un gros chien m’a mordu les fesses.Ca , avec le jour où un grand bélier à Ville d’Avray , m’a fichu dans un étang, ce n’était pas un souvenir heureux….Quand parfois j’accompagnais mon père, ce n’était très agréable non plus  et , à côté, nos deux pièces à Paris me semblaient un palais.

 

 

Ce n’était pas comme au cinéma du Panthéon ,où nous allions toutes les semaines tous ensemble, puisqu’on emmenait Pierrot :qui l’aurait gardé !……

Derrière l’écran, il y avait un homme qui faisait tous les bruits  avec un petit attirail qui n’avait l’air de rien :des grelots, des papiers de verre, un sifflet ,un révolver , des marteaux ;et c’était l’orage, le vent et la mer ou le chant des oiseaux ….Le dimanche , quand c’atait un film de Far-West, un acteur, habillé en cow-boy, racontait le film en balançant son lasso. Une fois, pendant « Le Massacre », un film terrible où les indiens tuaient tous les soldats réfugiés derrière leurs chariots, la musique ,le bruit, les coups de feu, ça faisait un tel vacarme que les spectateurs mécontents hurlaient qu’ils ne voyaient plus rien….

 

 

 

En face de l’école , il y avait un bouquiniste où on trouvait un tas de choses : »Rifle d’or », « Morgan le pirate », « Texas Jack » et surtout , « Sitting Bull » que j’aimais beaucoup parce qu’il était indien et que les Indiens, c’était eux qui étaient dans leur droit, comme les noirs dans « La case de l’oncle Tom »…

Comme je fouillais  à l’étalage ,un jour je vis arriver des Américains :une petite fille, un petit garçon, avec leurs parents. Ils n’étaient pas habillés comme dans les films du Far-West mais leur père , ….était coiffé d’un véritable chapeau cow-boy, un Stetson , la marque était dedans.

Ils restèrent fort peu de temps mais , tout de suite on était devenu de grands amis.

Aujourd’hui ,ils sont loin , les « Américains »…Mais je peux m’arrêter dans cette rue , ils sont toujours là dans l’aujourd’hui de ce temps là, et chantent , et rient, disent au revoir et bonjour, à demain, et toujours en américain ,, avec la même couleur , la même fraîcheur et la  et la même ardeur .Et les chaises qu’on traînait par terre , dans les allées du Luxembourg, les déserts de l’Arizona, je pourrais encore suivre leur trace comme on retrouve un air sur un vieux disque aux sillons effacés.

Un soir, la pluie commençait à tomber ;je venais de quitter mes amis et , assis sur le trottoir malgré cette pluie , j’avais envie de pleurer.

Elle n’y était pour rien la pluie, mais je n’étais pas content de ma journée , je trouvais que la petite fille c’était une petite fille pour jouer, pour rire, mais pas comme souvent je rêvais , une petite fille à aimer….

De temps à autre, cela m’arrivait déjà de réfléchir, de causer avec moi , quand j’étais tout seul et par la suite , en grandissant , cela devint de plus en plus fréquent et quelquefois c’était très drôle, mais rarement ;

 

 

Beaucoup plus tard, j’avais dix ans , onze ans peu être, avec un billet de quai, j’entrai dans les splendides souterrains de la gare d’Orsay, ….qui menaient en Bretagne , unique pays qui m’attirait

La musique du départ était belle  avec le charbon, les sifflets , la ferraille , mais je ne rêvais pas de partir tout seul ; j’aurais voulu emmener avec moi ceux que j’aimais  et avec qui j’étais parti la première fois….

Le train partait.

Les derniers voyageurs  arrivaient en courant avec des gestes essoufflés , une valise au bout du bras , et qui gesticulaient. Et voilà déjà le train un peu loin, comme un gibier manqué, et l’homme reste là avec sa valise tremblante, sur le quai .J’aurais dû l’aider, j’aurais dû courir avec lui, lui porter sa valise, rattraper l’heure, le temps, la lumière rouge disparue, l’espoir s’en est allé . J’avais les larmes aux .Et puis l’homme passa devant moi . Je le regardai . Et soudain, le plus simplement, le plus terriblement du monde , je compris (si comprendre veut dire cde qu’il veut dire)je compris qu’avec le train quelque chose de moi avait été emporté.

Cet homme , dans le fond , comme aurait dit mon père, je m’en fichais pas mal, mais ça m’embêtais ,c’était pas simple .Je me parlais comme on se parle d’homme à homme , de petit garçon à petit garçon ….

Et je rentrai .Avais-je appris sans le savoir l’  « indifférence » à qui si souvent ,je devais avoir recours plus tard .

Mais la rue était pareille , quand je rentrai à la maison , et  la maison semblable à la rue,….avec .. ;mon père, ma mère, mes frères, les chats , l’oiseau, le vin sur la table, le couvert mis pour pas grand chose. Ils ne me demandèrent pas ce que j’avais , d’où je venais .

C’étaient les « miens ».Ils me savaient tristes et ne cherchaient  qu’à me changer les idées.

Je les regardais, je les aimais .Ils m’aimaient et me regardaient .Enfin ,on se regardait

Ce jour là, je les aimais peut être davantage, mais j’étais dans un autre paysage .

 

 



23 mars 2007

Présentation

Voici à votre disposition, mes chers élèves, les textes, les cours et activités que je vous propose en classe.Vous n'aurez donc plus l'excuse:"j'étais pas là m'dame!!!"... Pour les plus laborieux je vous laisserai de quoi approfondir les travaux esquissés...

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